Bernaudeau: "On ne croit pas au miracle"

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Propos recueillis par François TESSON , modifié à
Un peu plus d'une semaine après la fin du Tour de France, Jean-René Bernaudeau nous a reçus au manoir Saint-Michel, aux Essarts, dans le fief de l'équipe Europcar. Le manager du Team vendéen revient sur le formidable parcours de son équipe. Pour «JR», "la donne a changé cette année", et les 10 jours en jaune de Thomas Voeckler et le maillot blanc de Pierre Rolland en sont l'illustration.

Un peu plus d'une semaine après la fin du Tour de France, Jean-René Bernaudeau nous a reçus au manoir Saint-Michel, aux Essarts, dans le fief de l'équipe Europcar. Le manager du Team vendéen revient sur le formidable parcours de son équipe. Pour «JR», "la donne a changé cette année", et les 10 jours en jaune de Thomas Voeckler et le maillot blanc de Pierre Rolland en sont l'illustration. Jean-René, huit jours après l'arrivée sur les Champs-Elysées, avez-vous eu le temps de prendre du recul sur ce Tour de France ? Pas vraiment. J'ai travaillé tous les jours, je n'ai pas eu le temps de souffler pour faire le point. Mais on s'aperçoit qu'il s'est passé quelque chose. Le premier truc marquant, c'est le retour en Vendée. Je roulais avec une voiture de l'équipe, les gens nous faisaient des grands signes. Ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps. Le Tour a dû plaire aux gens. Toutes ces personnes qui nous disent «merci», c'est un baromètre pour nous. Et ça n'arrête pas, on reçoit énormément de courriers. Il se passe quelque chose. Quelque chose de grand... C'est une belle histoire. On avait déjà eu le feuilleton de l'été en 2004 avec Voeckler, on l'a refait cette année. En encore plus grand parce qu'on jouait vraiment la gagne, et on a gagné l'Alpe d'Huez avec un jeune, Pierre Rolland, qui est maillot blanc. Nous ne sommes pas juste une équipe avec un gars, il y a du monde autour. C'est très gratifiant au moment de faire le bilan. Mais on ne veut pas se déconcentrer pour finir bien l'année. On est à 22 victoires, avec l'étape du Tour. Que vous reste-t-il comme objectif ? On a plus que dépassé nos objectifs. Mais il y a une tradition qui dit qu'on ne peut pas finir mal l'année. Si on finit bien l'année on recommence celle d'après. L'an dernier, cette solidarité qui a fait qu'on était groupé au moment de sauver l'équipe (*), a fait que l'année a été bonne. Donc, pour que notre discours soit cohérent, mais aussi pour les sponsors et les organisateurs, on doit rester ambitieux pour la suite de la saison. "Je souffre depuis trop longtemps pour être surpris" Avez-vous été surpris par le rendement de votre équipe pendant le Tour ? Non, je ne suis pas surpris parce qu'on s'inscrit dans un contexte. On avait des signes depuis six mois que la donne avait changé. Dès Paris-Nice, ça a été différent. On l'a vu au Dauphiné, ça s'est confirmé pendant le Tour. On est très fier que ce soit au-delà de nos espérances. Mais je souffre depuis trop longtemps pour être surpris. Après, ce qu'a fait Pierre Rolland m'a étonné. Il était bloqué, pas en confiance. Entourer le maillot jaune, c'était son travail, et ça l'a mis en confiance. Il a vu des coureurs de renom exploser dans les cols quand lui était toujours là, ça l'a libéré. Il ne faut pas oublier que plusieurs favoris ont été éliminés sur chute, mais derrière Pierre à l'Alpe, c'est quand même Contador et Samuel Sanchez. De tels résultats étaient tout de même inespérés... Oui, mais souvenez-vous, Christophe Kern battait Damiano Cunego chez les Espoirs à Liège-Bastogne-Liège. Thomas Voeckler battait Tom Boonen à Paris-Roubaix espoirs. Alors ceux qui sont surpris, il faut qu'ils regardent un peu leur fiches. Nous, on ne croit pas aux miracles. On est obsédé par le détail, on travaille beaucoup, notre programme de nutrition apporte beaucoup de bienfaits. Et ça marche, avec des coureurs de talent, qui gagnaient des Coupes du monde en espoirs. On n'arrive pas de nulle part, c'est une logique de paysan. Demandez aux frères Schleck ce qu'ils pensaient du Vendée U (l'équipe filiale d'Europcar, ndlr) quand ils étaient amateurs. On les battait. Je le répète, on ne croit pas aux miracles. On arrive dans une période où tout ce qui ne nous a pas tués nous a rendus plus forts. A l'arrivée, Voeckler termine devant Contador à Paris. Et encore, il pouvait terminer deuxième, devant les Schleck, s'il n'avait pas craqué dans le Galibier. Il avait les jambes pour faire deux. Après, Evans était trop fort en contre-la-montre. Il faudrait qu'on se perfectionne dans le matériel du chrono. On a un déficit là-dessus, qu'on a chiffré. C'est un lourd investissement. Et ? Le nouveau vélo arrive cet hiver. Sur un parcours comme celui du Tour, on aurait pu gagner 30 secondes. Il y avait deux descentes très fortes où on aurait pu gagner 5 km/h sans pédaler. Cela fait arriver 5 km/h plus vite sur le plat, et surtout les pulsations descendent, et cela permet de mettre la gomme pour relancer. "L'équipe n'est pas en fin de vie" Parlons de l'an prochain, allez-vous essayer d'intégrer le World Tour ? On va postuler. Le marché des transferts s'ouvre aujourd'hui. J'attends une réponse d'un coureur aujourd'hui. Pouvez-vous nous en dire plus ? C'est un coureur étranger, mais pas un des noms qui a pu sortir dans la presse (comme Thor Hushovd, ndlr). Après, ça se fera ou pas, j'attends sa réponse. Mais ce qui est sûr, c'est qu'on ne veut pas abîmer l'équipe. On veut juste la faire grandir. L'équipe actuelle sera plus forte l'an prochain. On a Christophe Kern qui n'a fait que trois jours sur le Tour. L'équipe n'est pas en fin de vie, on n'a pas besoin d'y adjoindre un type très cher qui va se casser une clavicule dès le mois de mars. Si Voeckler se casse une clavicule, il a déjà payé, rentabilisé son investissement. C'est toute la différence. Si je prends un type haut dans la hiérarchie, j'ai l'impression de le payer d'avance, avant qu'il ait gagné une course. Pour finir, avez-vous contacté Sylvain Chavanel ? Il a été chez nous sept ans. Je lui ai fait une proposition. On verra. (*) Europcar ne s'est manifesté que tardivement pour succéder à Bbox comme sponsor principal. Malgré la menace de disparition de l'équipe, de nombreux coureurs sont restés fidèles à Bernaudeau.