1999: Parole à la défense

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Sylvain LABBE , modifié à
En 1999, le rugby, professionnel depuis quatre ans, installe à nouveau en Europe une Coupe du monde, qui a pris son envol financier et économique. La 4e édition de l'épreuve marque le retour au sommet d'une Australie redevenue irrésistible sur un registre défensif, qui fait de la France sa dernière victime en finale.

En 1999, le rugby, professionnel depuis quatre ans, installe à nouveau en Europe une Coupe du monde, qui a pris son envol financier et économique. La 4e édition de l'épreuve marque le retour au sommet d'une Australie redevenue irrésistible sur un registre défensif, qui fait de la France sa dernière victime en finale. La Coupe du monde a grandi. Douze ans après sa création, le tournoi intimiste est devenu un grand barnum réglementé, à la résonnance médiatique telle qu'elle pousse l'IRB, soucieuse de rentabiliser sa poule aux oeufs d'or, à s'engager dans une démarche mercantile au détriment de la convivialité des débuts. De retour en Europe -l'épreuve est organisée conjointement par le Pays de Galles, l'Angleterre, l'Irlande, l'Ecosse et la France- le premier tournoi de l'ère professionnelle, étendu à vingt nations, ranime forcément l'espoir de voir une formation de l'hémisphère nord soulever pour la première fois le trophée William-Webb-Ellis. L'équipe de France, à jamais marquée par son exploit majuscule des demi-finales face à des All Blacks archi-favoris (voir par ailleurs), aurait pu être la première nation européenne sacrée de l'histoire, mais les Bleus ont joué face aux Néo-Zélandais leur finale avant l'heure et abandonnent le titre suprême à des Wallabies de retour sur le toit du monde, huit ans après. Les Horan (voir par ailleurs), Eales, Little, Kearns, Crowley..., après avoir révolutionné le jeu en 1991, apportent une nouvelle approche, plus pragmatique et quasi-scientifique. Sous les ordres de Rod McQueen désormais, la parole est à la défense, qui prive la France, pourtant dans la coup jusqu'à la 66e minute de jeu, du moindre essai en finale. Pour certains, cette Coupe du monde est un tournant, qui marque la disparition d'une certaine idée du jeu au profit de la stratégie toute puissante. LES BLEUS DANS LA COUPE : Rien ne prédestine cette équipe de France, cuillère de bois dans le dernier Tournoi, moribonde en phase de poules, sauvée par sa seule mêlée, ou presque face aux Fidji, et surtout minée par des conflits en interne, à la victoire (43-31) en demi-finale face aux All Blacks d'un Jonah Lomu encore irrésistible malgré la maladie. Pourtant, quelques semaines après une déroute (54-7) à Wellington, l'impossible se produit à Twickenham, où les joueurs de Skrela et Villepreux, bien que menés à la pause (10-17), puis (10-24) à l'entame de la seconde période, renverse une montagne. Sous la baguette d'un Titou Lamaison exceptionnel et auteur d'un "full house", comme l'appelle les Anglais, avec un total de 28 points (2 drops, 3 pénalités, 1 essai, 4 transformations), la France s'envole, capable d'infliger en moins d'une demi-heure un 33-0 à Umaga et des Blacks soudain dépassés. De l'émotion pure. Les Bleus sont en finale. Une issue improbable que même la FFR, qui n'a pas réservé d'hôtel pour la finale, n'avait pas prévue... UN JOUEUR DANS LA COUPE : Tim Horan n'a pas le physique d'un super-héros à la Jonah Lomu qui, on l'ignore encore, doit lutter contre un syndrome néphrétique, qui lui coûtera un rein, mais ne l'empêche pas d'inscrire huit essais supplémentaires en Coupe du monde lors de cette édition. Une performance qui aurait pu valoir une nouvelle fois le titre de meilleur joueur à l'ailier néo-zélandais, mais Horan, une nouvelle fois sacré champion du monde, lui enlève aussi ce titre. Le trois-quarts centre des Wallabies, longtemps indissociable de son alter-ego, Jason Little, incarne un rugby total, celui à la fois créatif qui lui permet de devenir champion du monde à seulement 21 ans en 1991, comme le registre défensif dans lequel il excelle tout autant et fait du joueur à la mèche impeccable le meilleur relanceur de son équipe. Un talent d'exception récompensé par deux trophées. UNE HISTOIRE DANS LA COUPE : Dans le sillage d'un Gonzalo Quesada, meilleur buteur de la compétition avec 102 points à son actif, et d'une génération d'exception, l'Argentine apparaît pour la première fois de son histoire en quarts de finale. Les Pumas, tombeurs de l'Irlande en match de barrage à Lens (28-24), signent leur premier coup d'éclat en Coupe du monde, avant de s'incliner face à la France, future finaliste (47-26). Une équipe est née, qui huit ans plus tard surprendra le monde...