1991: La nouvelle ère

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Sylvain LABBE , modifié à
Avec le retour sur le vieux continent, la Coupe du monde, succès financier autant que médiatique, prend enfin son élan. Et si les nations européennes doivent une nouvelle fois s'incliner, le sacre de l'Australie, porteuse d'une véritable révolution dans le jeu, contribue à cette nouvelle dynamique. La France, tombée dès les quarts de finale, ne peut pas en dire autant.

Avec le retour sur le vieux continent, la Coupe du monde, succès financier autant que médiatique, prend enfin son élan. Et si les nations européennes doivent une nouvelle fois s'incliner, le sacre de l'Australie, porteuse d'une véritable révolution dans le jeu, contribue à cette nouvelle dynamique. La France, tombée dès les quarts de finale, ne peut pas en dire autant. Quatre ans après le coup d'essai aux antipodes, la Coupe du monde revient aux origines, en Angleterre, organisée conjointement avec la France, le Pays de Galles, l'Ecosse et l'Irlande. L'idée folle n'en est plus une quand l'IRB se rend compte que cette deuxième édition, regardée dans le monde par 1,7 milliard de téléspectateurs, sera aussi un succès financier avec des bénéfices estimés à six millions d'euros, soit quatre fois plus qu'en 1987 ! Sur le plan sportif, là aussi, la Coupe trouve sa crédibilité, précédée par de mini-éliminatoires. Avec l'avantage du terrain, les nations du Nord partent pleines d'espoir à l'assaut du trophée face aux deux cadors du Sud, Nouvelle-Zélande et Australie, tandis que l'Afrique du Sud manque toujours à l'appel. A l'image notamment de la France, vice-championne du monde en titre, éliminée dès les quarts de finale par l'Angleterre au Parc des Princes (19-10), et qui signe là le plus mauvais résultat de son histoire dans la compétition (voir par ailleurs), la désillusion est au rendez-vous pour les équipes du Tournoi. Après les All Blacks, c'est l'Australie de Bob Dwyer qui sort de l'ombre. Les cadres revanchards de 1987 et de l'élimination face à la France en demi-finale, à Sydney, les Farr-Jones, Lynagh, Campese, et autre Poidevin..., trouvent le juste équilibre au côté d'une nouvelle génération de jeunes joueurs talentueux (Kearns, Horan, Little...) pour se sortir in extremis du piège irlandais, à Dublin, en quart de finale (19-18) grâce à l'inspiration géniale de Lynagh, donné le coup de grâce en demi-finale aux tenants néo-zélandais (16-6) sur les ailes d'un Campese au sommet de son art (voir par ailleurs), avant de dominer l'Angleterre de Will Carling, pourtant portée par tout un peuple à Twickenham en finale (12-6). Une finale terne, qui illustre mal pourtant la révolution initiée dans le jeu par ces Wallabies porteurs d'un jeu de mouvement moderne fait de polyvalence et de vitesse, qui fait entrer le rugby dans une nouvelle dimension. LES BLEUS DANS LA COUPE: Pour la France, en revanche, la désillusion est terrible. L'ère Ferrasse achevée, c'est sur un champ de ruines que les Bleus préparent une campagne, qui prendra fin dans le chaos d'un quart de finale perdu (19-10) au Parc des Princes face à l'Angleterre, et la honte suite à l'agression de l'arbitre M . Bishop à la fin de la rencontre par Daniel Dubroca, alors co-entraîneur des Tricolores avec Jean Trillo. L'héritage de 1987 et de l'ère Fouroux est bazardé, à l'image d'un Pierre Berbizier sacrifié, en raison de la vacance du pouvoir à la FFR. Polluée par les problèmes d'intendance et les prémisses d'un professionnalisme qui s'annonce, entre primes et droits à l'image, l'équipe de France navigue à vue, se met en grève à la veille du quart de finale, puis se ravise après que l'inévitable Serge Kampf (patron de Cap Gemini) se soit substitué à la Fédération en signant un gros chèque. Pour le résultat que l'on sait... La sortie de route des Bleus et de Serge Blanco, châtié par l'Anglais pour son dernier match international (voir par ailleurs), reste aujourd'hui encore une plaie ouverte pour ses acteurs. UN JOUEUR DANS LA COUPE: David CAMPESE (101 sélections, 64 essais) ou l'instinct d'un ailier unique en son genre. Capable d'inspirations géniales, mais aussi de bévues majeures, le joueur aux trois Coupes du monde va illuminer cette deuxième édition de sa classe et de son talent. Auteur de six essais en six rencontres, Campese est au sommet de son art, élu meilleur joueur du tournoi, qui succède à John Kirwan, l'ailier all black sacré quatre ans plus tôt. La passation de pouvoir a pour cadre la demi-finale perdue (16-6) par les Néo-Zélandais au cours de laquelle "Campo" inscrit le premier essai après avoir déposé six défenseurs, dont Kirwan littéralement planté dans la pelouse de Lansdowne Road, avant d'offrir le second à Tim Horan d'une passe par-dessus l'épaule à l'aveugle restée dans toutes les mémoires. UNE HISTOIRE DANS LA COUPE: C'est dans les bras de son petit garçon vient chercher en ce 19 octobre sinistre pour le rugby français un peu de réconfort... Sur cette pelouse du Parc des Princes qu'il a tant de fois enflammée, le plus grand joueur français de l'histoire vient de livrer ses adieux aux Bleus. Sa carrière internationale s'achève sur une élimination sans gloire dès les quarts de finale de la Coupe du monde, qui plus est face à l'ennemi juré, l'Angleterre (19-10). Blanco méritait tellement mieux que cette humiliation, lui qui subira tout au long du match les agressions caractérisées d'un adversaire trop heureux de participer à cet enterrement de première classe.