1:28
  • Copié
Pierre de Cossette, édité par A.H.
À Wallis et Futuna, en plein océan Pacifique, la procureure de la République a occupé le même poste pendant près de 30 ans, en dehors de tout cadre légal et sans que personne n'y voit rien à redire.

À force de la voir depuis des années, plus personne ne se demandait comment elle était arrivée là. Antonia Tamole est procureure de Wallis et Futuna depuis 28 ans… mais elle n'est pas magistrate. Elle a été nommée sur la base d'un décret datant de 1928, fixant pour certaines colonies ou territoires français la possibilité de nommer un procureur non issu de la magistrature. Or, ce décret a été abrogé en 1993, soit trois ans après la nomination de la procureure.

"En poste de manière illégale depuis plus de vingt ans". Il y a quelques mois, un avocat intrigué, Jean-Jacques Deswarte, a commencé un travail d'archéologie judiciaire. Il a alors découvert l'impensable. "J'ai constaté que, survivance d'une magistrature coloniale, c'était une fonctionnaire territoriale qui était donc nommée procureure, qu'elle était en poste de manière illégale depuis plus de vingt ans. Et tous les actes qu'elle avait commis durant cette période étaient inexistants, c'est d'ailleurs le terme exact que reprend la cour de cassation", souligne-t-il au micro d'Europe 1. Pour l'avocat, cette histoire surréaliste est "une catastrophe", à la fois sur le plan judiciaire, et "en terme d'image".

Des procès annulés ? Mais c'est bien connu, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Si les jugements déjà prononcés sont intouchables, tous les dossiers en cours, comportant des actes signés par la procureure, sont susceptibles de tomber à l'eau. L'un des clients de Me Deswarte, mis en cause pour homicide dans un accident de la route, pourrait s'en sortir. Un procès de fraude à la défiscalisation, avec 50 prévenus, pourrait aussi être annulé.

Le retour de la procureure ? Ironie de l'histoire : la procureure de Wallis et Futuna, mise sur la touche depuis que le lièvre a été levé, devrait revenir aux commandes. Elle vient d'être nommée cette fois dans les règles de l'art, et doit seulement suivre une formation de cinq mois. À noter que la règle en vigueur aujourd'hui pour un procureur de la République est de travailler au maximum sept ans avant de changer de juridiction ou de poste.