Voiture de police incendiée : "il fallait des coupables"

D'après les avocats des quatre accusés, rien ne permet de les reconnaître sur les vidéos des faits
D'après les avocats des quatre accusés, rien ne permet de les reconnaître sur les vidéos des faits © CYRIELLE SICARD / AFP
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M.L. , modifié à
Pour les avocats des quatre suspects, les vidéos de l'agression ne permettent pas d'identifier leurs clients, victimes d'un emballement médiatique.  

"Dans un État de droit, une procédure pénale ne peut pas être fondée sur un tel dossier", estime Irène Terrel, avocate de l'un des quatre hommes mis en examen pour tentative de meurtre, samedi. Son client, le frère de celui-ci et deux autres jeunes militants antifascistes sont accusés d'avoir pris à parti puis incendié un véhicule de police, dans lequel se trouvaient deux agents, en marge d'une manifestation interdite, mercredi. Leurs avocats dénoncent une enquête menée trop rapidement, sous la pression d'une opinion choquée par cette agression.

Un policier comme seul témoin. "Dans le dossier, il y a les renseignements de policiers d'une part, et un témoignage anonyme de l'autre", détaille Irène Terrel, interrogée par Europe 1. "Cela pose un premier problème, puisque selon la Convention européenne des droits de l'Homme, tout accusé a le droit à une confrontation avec les témoins qui l'accusent", précise l'avocate. L'identité de ce témoin anonyme, un policier des renseignements généraux, est néanmoins mentionnée dans l'un des procès-verbaux. "C'est une autre anomalie : ce témoignage émane d'une personne qui est juge et partie, puisqu'il était sur les lieux dans le cadre d'une enquête, mais aussi parce que les victimes sont ses collègues", explique-t-elle.

Les agresseurs masqués sur les vidéos. "Nous allons contester ce témoignage", assure Irène Terrel. "Et il ne restera que des vidéos, sur lesquelles on ne voit absolument rien", poursuit l'avocate. Sur les images de l'agression, filmées par plusieurs personnes présentes, la majorité des manifestants autour du véhicule ont la tête et le visage masqués. "On ne peut pas identifier les auteurs des faits", abonde Antoine Comte, avocat du plus âgé des accusés, interrogé par Le Monde. "On voit mon client qui est sur le trottoir, sans gants, sans casque. Il a juste une capuche et met sa main devant sa bouche car il est face aux caméras. En aucun cas on ne le voit agir violemment." Dans le cadre de l'état d'urgence, trois des quatre hommes écroués avaient fait l'objet d'interdictions de manifester contre la loi Travail, justifiée par le préfet par leur participation à des débordements.  

"On a lancé des coupables en pâture". Largement relayées dans les médias et sur les réseaux sociaux, les vidéos ont, aux yeux des avocats, joué un rôle important dans ce dossier Pour Irène Terrel, "vu la gravité des faits, il fallait un coupable et vite : les syndicats de police se sont plaints, et on a lancé des coupables en pâture à l'opinion." "Au lieu de lancer une procédure contre X, on vise quatre personnes", juge de son côté Antoine Comte. "Ce qui est à peu près certain, c'est qu'elles (ces quatre personnes) étaient sur place. L'idée était d'identifier ceux qu'on pouvait et de les interpeller, pour essayer d'identifier les auteurs eux-mêmes", glisse une source au ministère de l'Intérieur, citée par Le Monde.

Des arrestations tardives. Âgés de 18 à 32 ans, les quatre hommes sont incarcérés dans l'attente d'un débat différé sur leur détention provisoire. Selon une source proche de l'enquête, tous ont été identifiés grâce à des "renseignements". Pour Irène Terrel, "Cela montre qu'ils ont été désignés a posteriori. Ils n'ont pas été arrêtés sur les faits, ni dans les rues adjacentes quelques minutes plus tard, comme c'est souvent le cas : ils ont été interpellés chez eux." Au domicile de son client, les policiers ont trouvé un poing américain, une matraque et une bouteille de gaz. Ce dernier, tout comme le suspect le plus âgé, a déjà été condamné pour des violences aggravées dans le passé. Soupçonné d'avoir participé à l'agression d'un militaire hors service, il fait l'objet d'une note de renseignements. L'avocate évoque pourtant un homme "apprécié de tout le monde, au parcours d'intégration excellent".

Selon une source proche du dossier, l'un des quatre suspects est "probablement l'auteur du tir de projectile" qui a brisé la vitre arrière de la voiture, avant qu'un fumigène ne soit lancé à l'intérieur. "Les investigations se poursuivent pour déterminer le rôle exact de chacun" et "interpeller d'éventuels autres suspects", a toutefois précisé le parquet, samedi.