UE : les pêcheurs français obtiennent le maintien de la pêche de fond dans les aires protégées

Les pêcheurs et le gouvernement français ont obtenu de la Commission européenne qu'elle renonce à interdire d'ici à 2030 le chalutage de fond dans les aires marines protégées.
Les pêcheurs et le gouvernement français ont obtenu de la Commission européenne qu'elle renonce à interdire d'ici à 2030 le chalutage de fond dans les aires marines protégées. © JOHN THYS / AFP
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avec AFP
Aucune interdiction de l'utilisation du chalut et de la pêche de fond ne sera imposée dans les aires marines protégées aux Etats membres par l'Union européenne, a annoncé dimanche dans un communiqué le secrétaire d'Etat chargé de la Mer, Hervé Berville. Les pêcheurs français étaient inquiets pour l'avenir de leur filière.

Les pêcheurs et le gouvernement français ont obtenu de la Commission européenne qu'elle renonce à interdire d'ici à 2030 le chalutage de fond dans les aires marines protégées qui aurait mis, selon eux, toute la filière en péril. La mesure annoncée le 21 février dans le cadre d'un plan d'action plus général, visait à protéger poissons, coquillages et crustacés mais aussi des tortues et oiseaux marins menacés par l'usage d'engins de fonds mobiles (chaluts, dragues, palangres, casiers..) dans des aires qui devraient couvrir jusqu'à 30% des eaux européennes en 2030.

L'interdiction aurait mis "7.000 navires" en danger

Jugée trop lointaine par certaines ONG environnementales, elle a suscité en revanche une levée de boucliers des pêcheurs en France, mais aussi en Espagne, au Portugal, en Irlande et au Danemark. L'Alliance européenne pour la pêche de fonds (EBFA) a estimé que l'interdiction aurait mis "en danger 7.000 navires" soit "25% des volumes (de pêche) débarqués et 38% des revenus totaux de la flotte européenne".

En France, selon le Comité national des pêches, une telle mesure aurait fait disparaître près d'"un tiers de la flotte", soit 4.000 marins-pêcheurs embarqués sur 1.200 navires. Il avait appelé jeudi et vendredi à une opération inédite "filière morte", avec des bateaux restés à quai et des criées et des opérations de transformation du poisson à l'arrêt, pour exiger des réponses à la crise de la pêche, notamment sur ce sujet.

Des manifestations musclées ont eu lieu à Rennes ou Lorient tout comme des blocages à Boulogne-sur-Mer pour protester contre une réglementation accusée de "mettre au ban des métiers, des traditions, des économies, et finalement le patrimoine humain". Un incendie a détruit vendredi une partie du bâtiment de l'Office français de la biodiversité (OFB) à Brest.

Le secrétaire d'État à la pêche solidaire des pêcheurs

Dimanche, le secrétaire d'Etat à la pêche Hervé Berville, qui s'était déclaré publiquement "solidaire" des pêcheurs, a rencontré à Bruxelles le Commissaire européen à l'Environnement et à la Pêche Virginijus Sinkevicius, accompagné de hauts représentants de la pêche française. Le Commissaire "a confirmé" qu'il n'imposerait pas une telle interdiction "ni en 2024, ni en 2030", a déclaré Hervé Berville dans un communiqué à l'issue de la réunion.

Le plan d'action pour une pêche durable présenté par la Commission "propose seulement des orientations aux Etats membres", a rappelé le commissaire cité par le ministre français qui a souligné que "la France ne sera donc pas contrainte de prendre des mesures d'interdiction".

Dans une lettre adressée à tous les pêcheurs de France vendredi, le secrétaire d'Etat avait salué les efforts qu'ils déploient depuis plusieurs années en faveur d'une "gestion contraignante et exigeante" des ressources halieutiques. "Plus de la moitié" des stocks de poissons sont exploités durablement aujourd'hui en France contre "11% seulement" il y a 20 ans, a-t-il relevé.

"Punir les bons élèves"

Avec l'annonce dimanche, "il y a une vraie prise en compte des efforts entrepris depuis des années par les pêcheurs français pour la protection de la biodiversité et les ecosystèmes marins", s'est félicité auprès de l'AFP Olivier Le Nézet, président du Comité national des pêches, joint par téléphone. Selon lui, ces mesures d'interdiction seraient revenues "à punir les bons élèves". "La France a multiplié les aires protégées, a réduit la pêche dans certains zones et favorisé le renouvellement des espèces. En mer d'Iroise, la langouste qui avait disparu, est revenue, la coquille Saint-Jacques est abondante partout", avait-il rappelé récemment.

Pour justifier sa mesure, la Commission avait fait valoir que, sur les 12% d'aires marines protégées que comptent aujourd'hui les eaux communautaires, seul 1% est "strictement protégé". Elle a ainsi demandé aux pays membres de l'UE d'établir chacun sa feuille de route d'ici à mars 2024. L'UE interdit déjà depuis 2016 le chalutage en-dessous de 800 mètres, pour aider à restaurer les écosystèmes vulnérables des fonds marins.

Lors de la présentation du plan, les ONG écologistes s'inquiétaient de leur côté de la lenteur du calendrier, observant que l'UE tolérerait le chalutage de fonds encore sept ans dans les aires protégées. "Que direz-vous à vos enfants quand les océans seront morts?", s'est encore exclamé dimanche, dans un tweet adressé au secrétaire d'Etat français, le médiatique défenseur de l'environnement Hugo Clément. "Votre combat devrait être d'éviter l'effondrement de la biodiversité et d'arrêter le massacre des dauphins, en interdisant la pêche industrielle et en accompagnant financièrement les pêcheurs artisans pour réduire la pression sur la ressource marine", a-t-il insisté.