TÉMOIGNAGE - Hélène, épicière à Mourenx : "Pour ne pas se retrouver sans rien à la fin du mois, on mange nos invendus"

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Grégoire Duhourcau , modifié à
EN DIRECT DE MOURENX, JOUR 5 - Hélène tient une épicerie avec son mari dans la commune des Pyrénées-Atlantiques, où Nikos Aliagas l'a interrogée vendredi matin lors de la matinale spéciale d'Europe 1.

>> Après nos deux reporters, qui ont passé toute la semaine à Mourenx pour vous donner la parole et entendre vos problématiques quotidiennes, c'est au tour de Nikos Aliagas et la matinale d'Europe 1 de s'installer dans la commune de 7.000 habitants située dans les Pyrénées-Atlantiques, vendredi. L'animateur y a notamment rencontré Hélène, qui tient une épicerie avec son mari.

Malgré son travail acharné, de 7 heures le matin jusqu'à 20 heures le soir, le couple ne gagne que 1.400 euros nets par mois. Ils ne peuvent donc venir en aide à leurs trois enfants, dont l'un est handicapé et l'une vient d'avoir un cancer. Elle s'est confiée au micro d'Europe 1 sur ses difficultés.

"On tient une petite épicerie de quartier. [Ça se passe] très, très bien. Les gens sont très gentils, ce sont des amis. Tout le monde se connaît, ils viennent chez moi surtout pour blaguer. Même entre eux, ils ne se voient pas chez eux, ils viennent au magasin se rencontrer.

>> De 7h à 9h, c’est deux heures d’info avec Nikos Aliagas sur Europe 1. Retrouvez le replay ici

Avec mon mari, nous gagnons 1.400 euros nets par mois, avec trois enfants. C'est compliqué, surtout que j'ai deux enfants handicapés. Il y en a un qui habite sur Bordeaux avec un salaire d'handicapé, 800 euros par mois et qui ne s'en sort pas. Et j'ai une fille qui vient d'avoir un cancer du colon et qui ne touche maintenant que la moitié de son salaire avec un crédit de 1.200 euros pour une maison et qui ne s'en sort pas non plus. Et moi, les aider, c'est compliqué.

Entendu sur europe1 :
Il faut qu'on soit médecin, il faut qu'on soit psychologue, il faut qu'on soit banquier parce qu'à partir du 17, il n'y a plus d'argent

J'ai un message à envoyer à mon ami Monsieur Edouard Philippe. Je propose à Monsieur Edouard Philippe de venir travailler une semaine avec moi. Moi, je lui donne mon salaire d'un mois et lui va me donner son salaire d'une semaine. C'est un marché équitable, étant donné que le travail paye [une référence à la déclaration d'Édouard Philippe fin août, ndlr].

Mon mari se lève à 5 heures du matin, moi 7 heures, un peu plus tard parce que je suis fatiguée et on travaille jusqu'au soir, 20 heures tous les jours sauf le lundi. Des loisirs, on en a très peu, on a trois semaines de congés par an avec nos enfants. On profite de nos enfants. Le lundi, on le passe avec mes petits-enfants, on va les chercher à l'école.

Tous les produits invendus sont mis à la disposition des clients parce que sinon, c'est à jeter. Ils passent, ils les prennent. On ne sait pas qui c'est, mais ils sont contents, il n'y a plus rien. Ça nous fait plaisir. On a une chaise parce que parfois les gens ne viennent même pas pour acheter. Ils viennent pour discuter avec nous parce qu'on a plusieurs casquettes. Il faut qu'on soit médecin, il faut qu'on soit psychologue, il faut qu'on soit banquier parce qu'à partir du 17, il n'y a plus d'argent. On nous donne des chèques et on les encaisse quand ils nous demandent.

"On s'en sortait mieux avec mes trois enfants que maintenant, tous les deux"

Les gens sont en colère, mais vraiment très en colère. Et puis avec ce qu'il se passe et ce qu'on nous dit en plus... Les conneries, vous les avez entendues comme moi. Vous vous rendez compte, le smic vous trouvez ça normal ? Il est trop bas ! Un loyer, 500 euros, une voiture, l'essence, un panier de courses par semaine pour deux, pour quatre, pour une famille...

On s'en sortait mieux avec mes trois enfants que maintenant, tous les deux. C'est vrai que l'euro a changé pas mal de choses. On a monté notre magasin à la même époque que lorsque l'euro est arrivé. Et on a vu la différence. Et puis les salaires n'ont pas bougé, ou très peu.

On n'a pas de complémentaire. On voulait s'offrir une petite complémentaire mais non. L'Etat a été très gentil avec nous, il nous a offert une caisse enregistreuse, qui coûte 6.000 euros. C'est pour nous surveiller un peu plus. On n'est pas assez surveillés... On nous a obligés à l'acheter, on l'a payée nous-mêmes. On l'a payée à crédit, tous les mois, 100 euros, le prix de notre complémentaire. Du coup, on n'a pas de complémentaire.

J'espère qu'en haut ils vont se bouger, nous on peut pas. Ils ne s'imaginent pas. Ils vont changer la vaisselle à l'Elysée. Vous croyez que nous on peut la changer la vaisselle ? Cette année, on a fait un bénéfice de 3.000 euros en plus. On est content et là, les charges sociales nous ont demandé 2.800 euros en plus. On a fait 200 euros en plus, deux pleins de voiture.

"On mange nos restes, nos invendus"

Pour ne pas se retrouver sans rien à la fin du mois, on mange nos restes, nos invendus. Mais ça non plus il ne faut pas le dire, il faut le déclarer. Il vaut mieux le foutre à la poubelle. On n'a pas le droit d'être découragés, il y a des gens plus malheureux que nous. On est là tous les matins et on en entend des choses, des gens qui sont seuls, qui sont malades, qui ont encore moins que nous, qui ne peuvent pas se payer une paire de lunettes, un dentier, un appareil pour les oreilles, pas de mutuelle. Ils sont trop riches pour avoir la CMU et trop pauvres pour pouvoir se payer une mutuelle et ils ont 80 ans.

Est-ce qu'ils sont au courant là-haut ? J'aimerais vraiment qu'ils viennent voir. Et Mourenx dans tout ça ? On a une ville formidable, il y a beaucoup d'associations qui se bougent. On a un maire qui fait bouger les choses, qui essaye."