"Tabassages" et manque de moyens : un journaliste raconte son infiltration dans la police

Le livre Flic dresse un portrait au vitriol de la police parisienne. (Image d'illustration.)
Le livre Flic dresse un portrait au vitriol de la police parisienne. (Image d'illustration.) © AFP
  • Copié
Europe 1 avec AFP , modifié à
Le journaliste Valentin Gendrot raconte dans son livre "Flic", paru jeudi, ses deux années mouvementées d'infiltration dans la police parisienne. Il y a relate notamment une "bavure" commise par l'un des policiers de son commissariat et que ses collègues aurait couverte.

Violences, insultes racistes et homophobes mais aussi manque de moyens, suicide et mal-être des troupes : dans son livre Flic, paru jeudi aux éditions Goutte d'or, le journaliste Valentin Gendrot raconte ses deux années mouvementées d'infiltration dans la police parisienne. Sous son vrai nom, il intègre l'École nationale de police de Saint-Malo, en sort "adjoint de sécurité", le plus bas grade hiérarchique, puis est affecté un an à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris avant de décrocher le poste qu'il visait : le commissariat du XIXe arrondissement de Paris. 

Dans un entretien à l'AFP, il a raconté son premier jour, "complètement stupéfait" : la mise en service de son arme est chaotique, il voit "un policier frapper un gardé à vue" trop bruyant, tandis qu'une femme est éconduite alors qu'elle vient déposer une main courante après des "menaces de mort" de son mari.

Une "bavure" d'un policier couverte par ses collègues

Passage le plus explosif de son livre, Valentin Gendrot assure avoir assisté à une "bavure" commise par un collègue et que lui-même a couverte avec d'autres policiers. Ce jour-là, sa patrouille est appelée par un voisin se plaignant de jeunes écoutant de la musique au pied d'un immeuble.

Selon son récit, le contrôle dégénère quand un des policiers "tapote" la joue d'un adolescent qui, en réponse, provoque le fonctionnaire : "Je te prends en un contre un". Le policier met une première "baffe" au jeune homme qui réplique verbalement. Le policier "dégoupille" alors : "Une claque, puis deux, puis trois, peut-être quatre ou cinq", affirme le journaliste. Il "se déchaîne" ensuite à "coups de poings" et d'insultes sur l'adolescent, qui est alors embarqué au commissariat pour vérification d'identité, raconte-t-il sans détailler dans son livre la gravité de ces blessures.

Les deux portent plainte : le policier pour outrage et menaces, l'adolescent pour violences. Un PV "mensonger" est alors rédigé pour "charger le gamin et absoudre" le policier, affirme Valentin Gendrot qui incriminera lui aussi l'adolescent lors d'une enquête interne. "La police est un clan" et "celui qui dénonce, un traître", justifie Valentin Gendrot. En s'accusant d'avoir couvert son collègue, le journaliste explique avoir voulu contribuer à "dénoncer mille autres bavures de ce type", même si "ça a été une décision extrêmement compliquée".

L'IGPN a été saisie

La préfecture de police de Paris a annoncé jeudi avoir signalé au procureur de la République ces faits de violences. "Afin d'établir la véracité des faits relatés dans ce livre et relayés par les médias, et à la demande du ministre de l'Intérieur, le préfet de Police, Didier Lallement, les a portés à la connaissance du Procureur de la République et a saisi parallèlement à titre administratif l'Inspection Générale de la Police Nationale", ajoute-t-elle dans son communiqué.

Son livre évoque aussi nombre de ferments de la grogne au long cours des personnels : voitures et locaux hors d'âge, suicide d'un collègue et hostilité de la population (un gardé à vue les invite ouvertement à se suicider), salaire de 1.340 euros mensuels nets à Paris. Devançant d'éventuelles critiques, il souligne que son travail n'est "pas anti-flic" mais aborde les "grands tabous de la police". "C'est aussi dans leur intérêt qu'on parle des violences policières", "toujours le fait d'une minorité", dit-il ainsi. D'après lui, "la majorité" de ces fonctionnaires "paie la mauvaise réputation et le climat de tension effroyable qu'il y a entre les habitants et la police."