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Europe 1
Invité dimanche du Grand rendez-vous, le cardinal Robert Sarah assure que l'islam peut être une source d'inspiration pour tous les croyants, comme il en a fait l'expérience durant son enfance en Guinée. "Mais je ne peux pas nier mon socle religieux fondateur ou le christianisme pour plaire à l'islam", enchaîne-t-il.
INTERVIEW

L'islam est-il une richesse ou une menace ? Invité dimanche du Grand rendez-vous, le cardinal Robert Sarah, né en Guinée, pays à grande majorité musulmane, penche plutôt pour la première réponse. À condition, toutefois, de ne pas nier ses racines "pour plaire à l'islam". "Ce que j'ai pu recevoir de l'islam, c'est sa fidélité à la prière. Quand j'étais jeune prêtre, quand j'entendais le muezzin à 4 heures du matin, je me disais : 'Mais toi, tu dors encore ? Lève toi !' Alors, je pense que l'islam peut nous rappeler que Dieu ne peut pas être rejeté dans la société, il doit être présent et doit nous réveiller chaque matin", développe-t-il.

"J'ai beaucoup appris, en Guinée, l'importance de la prière, par cette fidélité des musulmans à toutes les heures", poursuit le prélat. Toujours dans une perspective d'homme de foi, le cardinal Robert Sarah pense même que l'Europe, l'Occident,  a "bien sûr" des leçons à apprendre de l'islam.

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Si les hommes n'améliorent pas le rapports entre eux et avec Dieu, les rapports seront conflictuels

"Je vais vous raconter une légende musulmane qui m'a beaucoup marqué, celle d'un monsieur qui s'appelait Abdelwahab Ibn Zaïd, qui voulait savoir qui serait son voisin au ciel", raconte-t-il pour appuyer son propos. Avant de développer :

"Parce que si vous avez un mauvais voisin sur Terre, bon, c'est difficile, mais vous l'avez pour quelque temps. Et puis la mort vous sépare, mais si vous devez avoir l'éternité, il vaut mieux savoir qui serait votre voisin. On lui dit alors : 'Ce sera Maïmouna, une fille qui habite à Koufa'. Il va donc à Koufa et on lui dit : 'C'est la folle qui garde les moutons du côté du cimetière'. Il va au cimetière. Il voit Maïmouna en train de prier. Et ce qui est étonnant, c'est que les moutons de Maimouna étaient mélangés à des loups. Les loups ne mangeaient pas les moutons et les moutons n'avaient pas peur des loups. Abdelwahab la laisse terminer sa prière et lui demande : 'Comment ça se fait que tes moutons soient en si bon ménage avec des loups ? Elle répond : 'J'ai amélioré mes rapports avec Dieu et Dieu a amélioré les rapports entre les loups et les moutons'. Conclusion : si les hommes n'améliorent pas le rapports entre eux et avec Dieu, les rapports seront conflictuels".

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Je ne peux pas nier mon socle religieux fondateur ou le christianisme pour plaire à l'islam

Un message de paix et de foi, qui ne masque toutefois pas les conflits actuels. Mais selon Robert Sarah, c'est le "mélange de politique et de religion" qui provoque les conflits. "Lorsqu'on défend une politique en utilisant la religion, les chocs viennent de là", insiste l'ancien archevêque de Conakry. D'après lui, l'islam et les autres religions ont cohabité pendant des siècles en Afrique. "C'est depuis les années 75 que les choses se sont détériorées, parce que des Africains ont été formés en Arabie saoudite et au Liban et sont devenus fanatiques. Mais le fanatisme, ce n'est pas la religion, comme le christianisme fanatique n'est pas une religion".

Pour autant, Robert Sarah appelle à ne pas remettre en cause les "racines chrétiennes" de l'Europe et de la France. "Son socle religieux fondateur, c'est le christianisme. On ne peut pas nier ce qui me fonde. Comment voulez-vous dialoguer avec quelqu'un si je n'existe pas ? Ce n'est pas du tout pour provoquer la personne, mais c'est pour manifester qui je suis et pouvoir dialoguer. Mais je ne peux pas nier mon socle religieux fondateur ou le christianisme pour plaire à l'islam", enchaîne-t-il.

"Mais je pense que nous sommes dans un contexte conflictuel aujourd'hui, tout est conflictuel. Il faut combattre l'autre. Il faut écraser l'autre et ça, c'est une position, je ne sais pas, peut-être moderne", déplore enfin Robert Sarah. Avant de conclure : "C'est inévitable aujourd'hui parce que nous avons transformé la société en conflit. Mais est-ce que le conflit construit une société ? Est-ce que la bataille continuelle construit une société ? Je ne crois pas. Pourquoi ne pas voir comment, ensemble, nous pouvons construire une humanité plus solide. Mais sans Dieu, on ne peut rien faire".