Risques, effets sur la santé... : pourquoi le "gaz hilarant" suscite l'inquiétude

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Margaux Lannuzel , modifié à
L'Observatoire français des drogues et des toxicomanies publiera jeudi une enquête sur ce gaz aux propriétés euphorisantes, de plus en plus répandu en France. "Le Parisien" en diffuse quelques extraits.

"T'es défoncé pendant 30 secondes à peu près. Tu pars un peu dans le cosmos, tu te marres et t'es un peu désorienté." C'est ainsi qu'une consommatrice de protoxyde d'azote, ou "gaz hilarant", décrit auprès de LCI les effets que lui procure cette drogue. Inconnue de beaucoup d'entre nous, elle est populaire auprès des étudiants, particulièrement en médecine. L'Observatoire français des drogues et des toxicomanies doit publier jeudi une enquête sur cet usage, popularisé aux Etats-Unis et en Angleterre dans les années 1990, et qui se diffuse en France. Le Parisien en dévoile quelques extraits, mercredi.  

De quoi s'agit-il ?

Le protoxyde d'azote est "un gaz d'usage courant, stocké dans des cartouches pour siphon chantilly, des aérosols d'air sec ou des bonbonnes utilisées en médecine et dans l'industrie", explique le site gouvernemental drogues info-service. "Détourné de son usage initial pour ses propriétés euphorisantes, il est transféré dans des ballons de baudruche afin d'être inhalé". Concrètement, les utilisateurs vident le contenu d'une cartouche de siphon dans le ballon, avant de respirer le gaz.

Quels sont ses effets ?

"L’inhalation du protoxyde d’azote entraîne une euphorie comparable à une ivresse, souvent accompagnée de rires incontrôlables (d’où le nom de gaz hilarant), et de distorsions visuelles et auditives", résume drogues info-service. Le gaz jouit d'une bonne image chez les jeunes consommateurs car "il permet une ivresse 'sympathique', jugée sans dangerosité", souligne auprès de Psychologies le président de SOS Addictions, William Lowenstein. "De plus, il est disponible à peu de frais."

Et ses risques ?

A court terme, des effets secondaires désagréables sont possibles : nausées et vomissements, maux de têtes, vertiges ou acouphènes. Mais selon les médecins, les risques principaux interviennent en cas d'usage répété, à haute dose : le protoxyde d'azote peut provoquer une carence en vitamine B12, appelée anémie de Biermer. Des atteintes neurologiques peuvent alors intervenir, tout comme un ralentissement ou des irrégularités du rythme cardiaque.

Auprès des Echos, la neurologue Philippa Lavallée évoque le cas d'un patient présentant d'importantes lésions de la moelle épinière, qui a reconnu avoir consommé des dizaines de capsules tous les soirs, pendant deux semaines. Interrogé par Le Parisien, William Lowenstein pointe, lui, les risques plus importants de l'usage détourné d'aérosols prévus pour nettoyer les écrans d'ordinateur, contenant du butane et du propane. "Ces gaz bloquent l'oxygène et son bien plus dangereux que le protoxyde d'azote, qui l'est déjà. (...) Le problème, c'est qu'on pense toujours qu'il n'y a que l'héroïne qui donne des overdoses." Le quotidien cite pourtant plusieurs exemples, comme celui de Yohan, 19 ans, décédé en mai après avoir inhalé du "gaz hilarant". Une page Facebook créée par ses parents pour sensibiliser au danger évoque "un jeu qui n'en est pas un", parfois surnommé "gaz à sec".  Outre-Manche, l'usage aurait déjà fait une vingtaine de morts.

Quelle est l'ampleur du phénomène ?

Selon une étude de la mutuelle Smerep, datée de juin 2018, le protoxyde d'azote est le troisième produit psychoactif le plus consommé chez les étudiants, après le cannabis et le poppers et devant l'ecstasy et la cocaïne. D'après le Parisien, qui cite l'étude à paraître jeudi, le phénomène est particulièrement répandu dans le Nord de la France. "Est-ce la proximité avec la Belgique, où de tels usages sont également rapportés ? Des investigations sont nécessaires", écrit l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies. A Lille, certains supermarchés auraient même décidé d'arrêter de vendre des cartouches à chantilly.

Interrogés par les Echos, 25 étudiants en médecine sur 37 affirmaient cet automne avoir "déjà essayé" le gaz hilarant, certains juste une fois, d'autres "quasiment toutes les semaines". "Le nombre de cas rapportés dans la littérature médicale a fortement augmenté", confirme Philippa Lavallée au quotidien.

Comment sensibiliser les étudiants ?

"Le potentiel addictif du protoxyde d'azote reste discuté", souligne drogues info-service, qui met surtout en garde contre la prise répétée du produit. Même son de cloche du côté de William Lowenstein, dans Psychologies : "Il faut en parler. Ne pas diaboliser ou dramatiser, mais développer un esprit de connaissance et un espace critique", estime le président de SOS Addictions. "Nous sommes au XXIe siècle, les parents doivent transmettre qu'il est possible de se servir de son intelligence même à l'égard de certaines consommations, afin de diminuer les risques. En parler permet de sortir du tabou."