Retraites : les syndicats "qui ont joué le jeu de la concertation" ont "le sentiment d'avoir été trompés"

  • Copié
Tiffany Fillon

Alors que la grève à la SNCF et la RATP entame son dixième jour, la perspective d'une sortie de crise demeure floue. S'ajoute l'arrivée de la période des fêtes, qui ne fait qu'accroître les inquiétudes chez les Français. Invitée chez Europe 1, Leïla de Comarmond, journaliste aux "Echos" et spécialiste des questions sociales, donne son éclairage pour mieux comprendre ce qui se joue entre les syndicats et le gouvernement autour de la réforme des retraites. 

Au dixième jour de grève à la SNCF et la RATP, la situation semble plus bloquée que jamais. Le Premier Édouard Philippe a beau avoir lancé un appel aux syndicats pour venir discuter avec lui à Matignon sur la réforme des retraites, l'incertitude concernant la circulation des trains à Noël subsiste. Pour calmer le jeu, le patron de la SNCF a toutefois demandé aux cheminots de faire une pause pour que les familles se retrouvent pendant les fêtes. Alors, comment sortir de cette crise au plus vite ? Quel bilan provisoire peut-on tirer des négociations entre les syndicats et le gouvernement ? Au micro d'Europe 1, Leïla de Comarmond, journaliste aux Echos, spécialiste des questions sociales et auteure du livre Les 20 ans qui ont changé la CGT (Denoël) donne quelques éléments de réponse. 

Plus de 300 heures de concertation 

"La concertation [sur la réforme des retraites, ndlr] a été lancée depuis plus d'un an et demi. On a une forme de 'concertation-thon', c'est-à-dire que le gouvernement donne, comme sur les ordonnances travail, le nombre d'heures consacrées et le nombre de réunions réalisées. Et, on franchit record sur record", explique la journaliste, qui a estimé à environ 300 le nombre d'heures de concertation consacrées au sujet par le gouvernement. 

Pourtant, elle n'est pas convaincue par la pertinence de cette méthode de communication. "Est-ce que c'est vraiment ça qui rend un dialogue social productif ? La réponse est non, parce qu'on est dans un situation où ceux qui ont joué le jeu de la concertation comme la CFDT ont le sentiment d'avoir été trompé", affirme Leïla de Comarmond, qui explique qu'un "contentieux a lieu", notamment sur la réforme de l'assurance-chômage. 

"Le gouvernement donne une lettre de cadrage qui est vraiment fermée, puis les partenaires sociaux échouent à négocier et le gouvernement reprend la main", anticipe-t-elle. "Cette reprise en main sur l'assurance chômage pèse énormément sur les retraites d'autant qu'après cette concertation, on se retrouve avec une CFDT qui a affirmé qu'elle ne transigerait pas sur ce point. Finalement, dans le discours du Premier ministre, il s'agit d'un élément fort de cette réforme", analyse-t-elle. 

Un discours apparenté à une mise en scène ? 

Selon Leïla de Comarmond, la méthode employée par le gouvernement a donc inévitablement conduit à un renforcement des tensions  entre les partenaires sociaux et le gouvernement. "Dans son discours, même si Édouard Philippe explique qu'il refuse d'employer une rhétorique guerrière, il sait très bien que ce qu'il annonce ne peut pas être accepté y compris par la CFDT, qui rêve pourtant d'une réforme depuis dix ans. Est-ce que ce discours, c'est du show ? Est-ce que c'est de la mise en scène ?", se demande la journaliste. 

Dans ce contexte de blocage, Leïla de Comarmond pense que l'instauration d'une pause dans la grève reste difficilement envisageable. "Dans l'idée de faire une trêve, subsiste l'inquiétude de la reprise du mouvement. Sans compter qu'un pic de mobilisation s'annonce mardi et que le Premier ministre a dit qu'il rencontrerait les syndicats et le patronat. Vous avez des discussions, qui, formellement, ont démarré à la SNCF mais en réalité, le dialogue ne s'est pas noué", résume-t-elle.