Sybille Gollac 2:17
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Ugo Pascolo , modifié à
Invitée d'Europe Matin, la sociologue Sybille Gollac revient sur la réforme des pensions alimentaires. Selon elle, il s'agit d'une "relance en trompe l'œil", car les CAF ne sont pas forcément le bon outil pour s'assurer du versement d'une pension alimentaire. De plus, elle pointe que c'est une fois de plus la femme qui doit effectuer les démarches.
INTERVIEW

C'est une petite révolution dans le monde des pensions alimentaires. Depuis le 1er janvier les CAF peuvent, sous conditions, directement prélever le montant de la pension alimentaire sur le compte d'un conjoint pour le reverser à l'autre. Pour autant, ce nouveau dispositif ne satisfait pas Sybille Gollac, sociologue. Invitée d'Europe Matin, la co-auteure du livre Le genre du capital : comment la famille reproduit les inégalités estime que cela ne va pas résoudre le problème des quelque 300.000 pensions alimentaires non payées de façon régulière chaque année. "Le prélèvement à la source serait plus efficace." De plus, elle pointe que c'est à la femme - puisque 85% des bénéficiaires des pensions alimentaires sont des femmes - de faire les démarches nécessaires, alors même qu'elle à la charge des enfants. 

La CAF, "un outil qui paraît assez faible"

"C'est une relance en trompe l'œil", affirme la sociologue. Avec cette réforme, on "creuse le sillon d'un outil, en l'occurrence la CAF, qui paraît assez faible : car en dehors des maris qui sont allocataires, les caisses ont très peu de moyens de s'assurer qu'ils peuvent payer les pensions alimentaires."

Autre problème soulevé par Sybille Gollac, la complexité des différentes mesures possibles pour s'assurer du versement (CAF, huissier, procureur, procédure en pénal pour abandon de famille). Des mesures à la fois "complexes et exclusives", rappelle-t-elle, et donc décourageantes. D'ailleurs, la sociologue s'appuie sur un rapport de la CAF datant de 2014 pointant que seulement 10% des personnes qui le peuvent saisissent ses services.

"L'homme se retrouve en position de bon prince"

Mais c'est sans compter sur le fond de la procédure, récurrent depuis les années 1970 et les premières mesures de recouvrement de la pension alimentaire : c'est toujours à la femme de batailler contre un mauvais payeur. Alors qu'elles travaillent et s'occupent des enfants, elles doivent en plus "trouver le temps et l'argent" de demander "des pensions, de recourir à un juge aux affaires familiales..." Un charge supplémentaire qu'elle ne devrait avoir à affronter laisse entendre la sociologue. "L'homme se retrouve en position de bon prince et la femme en position de demandeuse." 

Et ce serait cet état de fait à l'origine des 30% à 40% des pensions alimentaires non versées de façon régulière. Alors pour y remédier une bonne foi pour toute, Sybille Gollac avance qu'il faut automatiser le versement, via un prélèvement à la source, et imaginer un système où, dans le cas de difficultés de rémunération qui impacteraient le paiement, "c'est l'homme qui se retrouve en position de demandeur vis-à-vis de l'État social".