Protéger les mères, croire l'enfant : les recommandations de la Commission inceste

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Europe 1 avec AFP , modifié à
La Commission Inceste publie mercredi son rapport et en appelle à revoir la loi en vigueur. Après avoir reçu des centaines de témoignages de mères d'enfants victimes d'abus, la Commission indépendante formule trois recommandations fortes, dont celle de "suspendre" les poursuites pénales pour "non-représentation d'enfant" contre un parent qui refuserait de laisser son enfant au parent soupçonné.

La Commission Inceste recommande de suspendre l'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite d'un parent poursuivi pour inceste pour "mieux protéger les enfants", dans son premier avis rendu mercredi. Après avoir reçu des centaines de témoignages de mères d'enfants victimes d'abus, la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) formule trois recommandations.

Trois mesures fortes pour lutter contre l'inceste

Dès qu'une enquête est ouverte pour inceste, la commission recommande de "suspendre" les poursuites pénales pour "non-représentation d'enfant" contre un parent qui refuserait de laisser son enfant au parent soupçonné. Beaucoup de femmes sont devant ce dilemme : respecter la loi et laisser son enfant passer du temps chez son père ou bien protéger son enfant et risquer d'être poursuivie. La mère qui veut protéger son enfant du père incestueux doit être protégée, pour la Ciivise. 

Ensuite, si des poursuites pénales sont engagées contre un parent pour inceste, le droit de visite et d'hébergement doit être suspendu "de plein droit", de même que "l'exercice de l'autorité parentale". "On sécurise l'enfant", explique le juge Édouard Durand, coprésident de la Ciivise. Enfin, en cas de condamnation d'un parent pour viol ou agression sexuelle incestueux, l'exercice de l'autorité parentale doit lui être retiré automatiquement, selon la Ciivise.

Depuis le début de ses travaux en mars, la Ciivise a reçu les "appels à l'aide" de centaines de mères dont l'enfant a révélé des violences sexuelles de la part de son père. Au lieu d'être entendues par les institutions, elles sont suspectées de manipuler leur enfant pour nuire à leur conjoint, le plus souvent dans le contexte d'une séparation. "On pense que la mère manipule l'enfant pour que l'enfant dise qu'il a été victime de violences sexuelles", déplore Ernestine Ronai, membre de la Ciivise. "Dans les mentalités, il y a encore trop souvent l'idée que puisqu'elle se sépare, souvent dans un contexte de violence, elle est en train de raconter des histoires."

La Commission en appelle à croire l'enfant

Le risque n'est pas d'inventer des violences mais de ne pas protéger des victimes, note la Ciivise, qui appelle à "croire l'enfant" et relève que "les études scientifiques montrent que les fausses dénonciations de maltraitance sont marginales dans un contexte de séparation parentale". "Aujourd'hui, l'enfant n'est pas suffisamment protégé et sa mère non plus", insiste Ernestine Ronai. 

Chaque année, 22.000 enfants subissent des violences sexuelles de la part de leur père, selon la Ciivise. Pourtant en 2020, seules 1.697 personnes ont été poursuivies pour viol incestueux sur mineur ou agressions sexuelles sur mineur.

"Il faut trouver ces enfants. On ne peut pas savoir que 22.000 enfants sont concernés et, quand on en a un sous les yeux, dire : 'c'est pas le bon'", commente le juge Durand. "Nous écoutons des adultes qui, à 40 ou 70 ans, expriment les souffrances que leur ont causé l'inceste. Les enfants victimes, on doit les croire aujourd'hui, pas attendre qu'ils aient 40 ans".