Les avocats des parties civiles Arno Klarsfeld (à droite), Me Boulanger (au centre) et Alain Jakubowicz (à gauche) à  Bordeaux, le 19 janvier 1998. 1:49
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Ariel Guez
Sur Europe 1, l'avocat Arno Klarsfeld est revenu sur le procès où il a représenté l'association des Fils et filles de déportés juifs de France face à Maurice Papon, en 1998. Il défend aujourd'hui la stratégie qu'il a adoptée à l'époque, en ne demandant que dix ans de prison pour l'ancien haut fonctionnaire du régime de Vichy.
INTERVIEW

Ce fut le procès le plus long de l'histoire judiciaire française. En 1998, Maurice Papon, ancien haut fonctionnaire du régime de Vichy lors de la Seconde Guerre mondiale, a été condamné à dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l'humanité. D'octobre 1997 à avril 1998, des dizaines et dizaines de personnes ont défilé dans la salle d'audience pour convaincre du rôle de Papon dans l'arrestation puis la déportation de centaines de juifs entre 1942 et 1944. Sur le banc des parties civiles, un jeune avocat de 32 ans, Arno Klarsfeld, représentait l'association des Fils et filles de déportés juifs de France. 

À la différence des autres avocats qui demandaient une condamnation à perpétuité, il n'a demandé "que" dix ans de réclusion criminelle. Plus de 20 ans après, il revient au micro d'Europe 1 sur cette stratégie, qui s'est avérée payante. 

"Si on avait demandé la perpétuité, jamais le jury ne nous aurait suivi"

"C'était un combat qui était difficile parce que tous les avocats des parties civiles voulaient que Papon soit condamné à la perpétuité et la défense voulait qu'il soit acquitté. Moi, j'étais au milieu tout seul, avec la presse contre moi, à demander dix ans de prison", rappelle d'abord Arno Klarsfeld. 

Mais pourquoi "seulement" dix ans de prison ? "Parce qu'il n'était pas le préfet, il était le secrétaire général [de la préfecture de Gironde]. Parce que tous les préfets ont accompli ce qu'il a accompli, parce qu'il n'a pas fait de zèle", répond l'avocat. Surtout, avance-t-il, "si on avait demandé la perpétuité, jamais le jury ne nous aurait suivi et Papon aurait été acquitté." "En demandant une peine qui était une peine équitable par rapport à ses crimes, j'ai réussi à convaincre le jury et il a eu dix ans", se félicite donc Arno Klarsfeld. "Ou alors [sans avoir nécessairement convaincu le jury] ce que je disais était ce que pensait la majorité du jury", continue l'avocat.

"Soulagé" à l'annonce du verdict

"À la fin du procès, j'étais soulagé, parce que sinon, ça aurait signifié que l'administration qui avait arrêté des juifs avait les mains propres. (…) Là, vous montrez [avec ce verdict] que l'administration doit réfléchir avant d'accomplir des actes qu'elle sait être des actes illégaux et inhumains", conclut Arno Klarsfeld.

Des propos qui rejoignent ceux que l'avocat avait prononcés à l'annonce du verdict, en avril 1998 : "C'était un procès tourné vers l'avenir pour définir ce que devait être l'administration de demain. Elle ne doit pas être une administration comme celle de Maurice Papon, toujours prête à accomplir les pires ignominies du moment qu'elle se trouve couverte par les instructions de sa hiérarchie. L'administration de demain doit être une administration avec une conscience et avec une âme."

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