Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, ici à l'Assemblée nationale. 1:43
  • Copié
Marion Dubreuil, édité par Antoine Terrel
Le ministre de la Justice présente mercredi en Conseil des ministre son projet de loi pour "restaurer la confiance dans la justice". Mais plusieurs éléments du texte font débat, comme la volonté de filmer des audiences pour les retransmettre au grand public, ainsi que la généralisation des cours criminelles départementales, sans jury populaire. 
DÉCRYPTAGE

Le texte est d'ores et déjà contesté par les magistrats et une partie du monde judiciaire. Mercredi, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti doit présenter en Conseil des ministres son projet de loi pour "restaurer la confiance" dans la justice. Le texte comporte plusieurs mesures qui font débat, parmi lesquelles les audiences filmées, mais aussi la généralisation des cours criminelles départementales pour désengorger les cours d'assises. 

Des audiences filmées

Le ministre de la Justice veut ouvrir les tribunaux en filmant des audiences pour les diffuser ensuite au grand public. Jusqu'ici, seuls les procès à portée historique étaient filmés, mais les vidéos archivées sont uniquement accessibles aux chercheurs. Eric Dupond-Moretti l'assure et rassure : pas question de retransmettre les procès en direct comme aux Etats-Unis. L'objectif est de faire de la pédagogie. 

La diffusion d'un procès ne sera donc possible que lorsque la décision de justice sera définitive. Il n'y aura pas d'audience à la télévision avant plusieurs années. Les audiences seront choisies en fonction de l’intérêt public, et non pas médiatique. Concernant les règles d’enregistrement, si le procès est public, que vous soyez partie civile ou prévenu, peu importe, pas besoin de votre autorisation pour vous filmer. Le principe de base est d’empêcher tout moyen d’identification, nom, prénoms, adresse, visage.... Sauf si vous acceptez la diffusion. Et même si c’est le cas, vous avez le droit à l’oubli cinq ans après la première diffusion.

Sur quel canal seraient diffusés ces procès ? Eric Dupond-Moretti privilégie le service public, mais plusieurs chaines ont déjà proposé des formats. Dans l’idéal, le ministre souhaiterait un rendez-vous hebdomadaire avec un cadre explicatif. Les audiences qui durent parfois plusieurs jours ne pourront pas être retransmises telles quelles. Il faudra monter des séquences, quitte à proposer l’intégralité du procès en streaming.

Généralisation des cours criminelles départementales

Autre mesure polémique : la généralisation des cours criminelles. Actuellement expérimentées dans 24 départements, ces dernières permettent de juger des crimes passibles d'une peine qui peut aller jusqu'à 20 ans de prison, jusque-là jugés devant une cour d'assises. Pourtant, l'ancien avocat les avait lui-même avait vivement contestées quand il portait encore la robe noire. 

Mais la chancellerie refuse de parler de volte-face. Eric Dupond Moretti assure que ce projet de loi renforce le poids du jury populaire. Il demande ainsi la présence de sept jurés contre six actuellement en cour d'assises pour contrebalancer les trois juges professionnels dans la décision. Mais dans les cours criminelles départementales, il n'y a plus de jurés, mais cinq magistrats pour juger des crimes passibles de 20 ans de prison, des viols pour la majorité.

"Comment imaginer que celui qui a été l'un des plus grands avocats de cour d'assises en soit aujourd'hui le fossoyeur ?

Pour l'avocat Frank Berton qui a longtemps côtoyé Eric-Dupond Moretti aux assises, c'est un désaveu. "Comment imaginer que celui qui a été l'un des plus grands avocats de cour d'assises en soit aujourd'hui le fossoyeur ? Celui qui veut les détruire et les remplacer par des cours criminelles ? Celui qui envisage de retirer la justice au peuple au profit d'une justice qu'on voudrait spécialisée, qui ne serait rendue que par des magistrats ?", interroge-t-il. 

De son côté, la chancellerie fait valoir des délais d'audiencement deux fois plus court devant une cour criminelle, et moins d'appels pour des peines identiques. L'objectif est de désengorger les assises et donc de juger plus vite des accusés qui encourent 30 ans de prison, voire la perpétuité.