Procès du 13-Novembre : Hollande connaissait la menace mais ne savait ni où ni quand ils frapperaient

© THOMAS SAMSON / AFP
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L'ancien président François Hollande a été cité comme témoin par une association de victimes au procès des attentats du 13-Novembre. "Je suis présent devant la cour pour témoigner de ce que fut mon rôle en tant que chef de l'État lors de cette nuit funeste du 13 novembre 2015, et témoigner de ce que furent mes décisions dans les mois qui ont précédé et les mois qui ont suivi", a-t-il déclaré. 

"On nous a fait la guerre, nous avons répondu" : entendu comme témoin au procès sous haute sécurité des attentats du 13 novembre 2015, l'ancien président François Hollande a justifié mercredi sa politique étrangère au Moyen-Orient et répondu aux polémiques. Droit à la barre de la cour d'assises spéciale de Paris, costume sombre sur chemise blanche, François Hollande a raconté son 13-Novembre et explicité les décisions prises "lors de cette nuit funeste", mais aussi celles des mois qui l'ont précédée et suivie.

La promesse de "répondre à toutes les questions"

Dans une salle d'audience comble, l'ex-chef de l'État promet de "répondre à toutes les questions" des parties civiles sur d'éventuels ratés des autorités notamment et l'incapacité de la France à déjouer un attentat de grande ampleur. Assurant "(mesurer) la souffrance des victimes" et comprendre "leur demande de vérité", le témoin - cité par l'association Life for Paris, partie civile - certifie: "Hélas, nous n'avions pas l'information qui aurait été décisive pour empêcher les attentats".

Depuis les attentats de janvier 2015, "chaque jour, nous étions sous la menace. Nous savions qu'il y avait des opérations qui se préparaient, des individus qui se mêlaient aux flux de réfugiés, des chefs en Syrie. Nous savions tout cela", développe François Hollande. "Mais nous ne savions pas où, quand et comment ils allaient frapper", insiste-t-il à plusieurs reprises. Sans un regard vers le box des accusés à sa gauche, l'ancien président de la République répond aux explications du principal accusé, Salah Abdeslam, qui a justifié les attentats comme une riposte à l'intervention militaire française en Syrie.

"On nous a fait la guerre et nous avons répondu", martèle François Hollande. À l'aise devant la cour, il rappelle que les frappes en Syrie n'ont débuté que le "27 septembre" 2015 - "ce qui veut dire que le commando s'était préparé bien avant", soutient-il. L'État islamique "nous a frappés non pas pour nos modes d'action à l'étranger, mais pour nos modes de vie ici-même", souligne encore François Hollande, pour qui "la démocratie sera toujours plus forte que la barbarie".

Le nom de l'ancien président a résonné à plusieurs reprises dans la salle d'audience depuis le début du procès le 8 septembre, et dans la bouche même des jihadistes du Bataclan : un enregistreur laissé dans la salle de spectacle avait capté toute l'attaque et les revendications des assaillants. "Vous ne pouvez vous en prendre qu'à votre président François Hollande", entend-on plusieurs fois, entre deux tirs, dans cet extrait diffusé fin octobre devant la cour.

"Une signature, un message"

"Avez-vous écouté cette bande audio, comment l'avez-vous vécu ?", demande à l'ex-chef de l'Etat l'avocat de Life for Paris, Me Jean-Marc Delas. "Cela ressemblait à une espèce de refrain, comme si c'était une signature", commente François Hollande. "Un message" pour nous "faire renoncer à nos interventions en Irak et en Syrie" et pour que "s'installe une rupture, une guerre de religion" entre les Français.

Le fait que son nom soit prononcé dans les revendications l'a "fait réfléchir à (sa) propre responsabilité", souligne François Hollande. Mais, affirme-t-il, l'air grave : "Je ferais exactement la même chose" aujourd'hui. "Je le dis devant les parties civiles qui souffrent, ceux qui ont perdu des êtres chers", continue-t-il. "C'est la France, nous le devions aux populations qui se faisaient massacrer". Assis dans le box, Salah Abdeslam - qui s'est octroyé la parole à plusieurs reprises depuis le début du procès - n'a pour l'instant manifesté aucune émotion.

La déposition de l'ancien chef de l'Etat se poursuivait en fin d'après-midi, avec les questions du ministère public et de la défense. Prévue dès 12h30, l'audition de François Hollande n'a débuté que peu avant 16h, des avocats de la défense s'opposant à sa tenue et aux dépositions programmées de chercheurs et d'universitaires. "On veut juste que ce soit un procès, c'est tout", pas "une cérémonie de commémorations et une tribune", ni "un spectacle", a notamment soutenu Me Martin Méchin, l'avocat de l'un des accusés. La défense de Salah Abdeslam ne voyait de son côté "aucun inconvénient à ce que (François Hollande) soit cité". Après une suspension, la cour a rejeté ces demandes en milieu d'après-midi.