PMA, GPA : la lente (et inégale) évolution de l’opinion publique

Selon l’étude, six Français sur dix sont ainsi favorables à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes homosexuelles.
Selon l’étude, six Français sur dix sont ainsi favorables à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes homosexuelles. © AFP
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Selon un sondage, une (forte) majorité de Français se prononce pour l’ouverture de la PMA et l’autorisation de la GPA.

"Ce sont des résultats assez massifs. Ils s’inscrivent dans des tendances qui montrent que progressivement les barrières sont en train de changer", analysait, mercredi sur Europe 1, Jérôme Fourquet, directeur du département opinion publique de l'Ifop. Son institut vient de réaliser un sondage, publié dans le journal La Croix, dont les conclusions sont riches de sens. Selon l’étude, six Français sur dix sont ainsi favorables à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes homosexuelles. 64% des personnes interrogées se déclarent par ailleurs en faveur d'une autorisation de la gestation pour autrui (GPA), même si la majorité l'est "pour des raisons médicales seulement".

Une évolution fluctuante, teintée d’incohérences

Pour l’Ifop, ça ne fait aucun doute. Ces chiffres ont bondi depuis 20 ans et révèlent une "vague de fond" dans la société, dixit Jérôme Fourquet. L'Ifop ne relève, en effet, "aucun clivage majeur, ni entre les générations, ni selon les préférences politiques" dans cette enquête. En janvier 1990, comme le relève l’Ifop, seulement 24% des Français se disaient par exemple favorables à l’autorisation de la PMA pour les couples de femmes homosexuelles, contre 47% en 2013 et 60% aujourd’hui. "La tendance générale est une tendance d’approbation de ces pratiques", martèle Jérôme Fourquet.

Mais ces chiffres ne reflètent pas non plus une évolution linéaire. Toujours sur l’ouverture de la PMA aux couples homosexuels : la part de Français favorables est descendue de 56% en octobre 2012 à 39% en février 2014, avant de remonter sensiblement et de manière continue depuis, selon l’Ifop. En plus d’être inégale, cette évolution ne semble pas non plus dénuée d’incohérences. Et la manière dont on formule la question semble jouer. En septembre dernier, par exemple, un sondage Opinion Way (financé par la Manif pour tous) indiquait que 72% des Français se prononçaient pour que l’État "garantisse le droit d’avoir un père et une mère aux enfants conçus grâce à l’assistance médicale à la procréation".

"Un certain nombre de verrous sautent progressivement"

Quant à l’autorisation de la GPA (pour raisons médicales ou non) son approbation a également connu des évolutions dans des sens différents. En 2008, 61% des Français étaient favorables à son autorisation. Cela est retombé à 51% en 2013, avant de remonter à 64% aujourd’hui. "Il faut faire attention, car on sait que les résultats peuvent varier en fonction du contexte, d’une mobilisation sociale plus ou moins forte ou d’un débat public autour de ces sujets", décrypte Jérôme Fourquet.

Selon l’Ifop, l’adoption de la loi Taubira, autorisant le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels, a tout de même clairement eu un impact positif pour l’image de la PMA et de la GPA dans l’opinion publique. "Après l’adoption du Pacs, il y a eu une hausse sensible des opinions favorables au mariage homosexuel dans les années qui ont suivi. La même chose se produit ici. On a l’impression qu’un certain nombre d’étapes ou de verrous sautent progressivement", enchaîne-t-il.

"Il y a une forme de lassitude du grand public"

D’autres, en revanche, sont plus sceptiques. Invité mercredi d’Europe 1, Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à la Faculté de médecine de l'Université Paris-Sud 11, estime que cette approbation apparente des Français n’en est pas vraiment une. "Il faudrait d’abord savoir ce que signifie être favorable à. Est-ce ne pas refuser ? […] J’ai l’impression que c’est plus de l’indifférence que l’expression d’une société qui se montre vraiment concernée par ces questions", avance-t-il. Et d’enchaîner : "Ce qui va m’intéresser, c’est de voir ce que vont donner les débats sur ces questions dans les mois à venir", notamment dans le cadre des prochains Etats généraux, qui devraient débuter prochainement.

"Majoritairement, les Français disent aujourd’hui que cela les intéresse. Mais en même temps, ils ne voient pas les implications pour leur cas personnel. Il y a une certaine distance", abonde Jérôme Fourquet, de l’Ifop. "Un certain nombre de cadres de réflexions moraux issus de notre tradition judéo-chrétienne sont en train de se dissoudre. Il y a les évolutions scientifiques et en même temps une influence de plus en plus déclinante de ces cadres, en train de se dissoudre de manière relativement accélérée", insiste-t-il. Mais il le reconnaît : "Depuis les manifestations autour de la loi Taubira, il y a une forme de lassitude du grand public que ne souhaite pas vraiment revenir sur ces questions".

 

Des évolutions tout aussi fluctuantes sur l'euthanasie 

Selon ce dernier sondage de l'Ifop, 89% des sondés se disent favorables à l’euthanasie et au suicide assisté. Dans le détail, 47% des sondés sont pour légaliser l'euthanasie (possibilité pour un patient souffrant d'une maladie incurable de demander à un médecin de mettre fin à ses jours), 18% pour le suicide assisté (un tiers peut délivrer un produit létal à une personne qui le souhaite, peu importe le contexte) et 24% pour les deux. Là encore, l'opinion publique semble soumise à des vents contraires, même si les Français se montrent globalement largement favorables à l'euthanasie, au moins dans certains cas. Un sondage Ifop de 2014 évoquait un pic de 96% de Français ayant une opinion favorable à la légalisation de l'euthanasie. En 2001, ils étaient 88%.