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Jean-Luc Boujon et M.B.
Abusé alors qu'il n'avait que dix ans, cet homme n'accorde aucune importance à la messe de pardon organisée par les évêques de France, lundi.
TÉMOIGNAGE

"Ce sont des visages que je n'oublie pas". Il s'en souvient comme si c'était hier. En 1943, en pleine Seconde Guerre mondiale, Claude n'a pourtant que 10 ans. Il habite alors à Nantes, et la ville vient d'être bombardée. Son père décide donc de le placer en institution religieuse. C'est là qu'il sera abusé sexuellement par plusieurs personnes. 

"Fouetté à coups de règle sur les fesses". "Il fallait que je me mette sur une table avec les pieds et les mains attachés. J'étais fouetté à coups de règle sur les fesses", raconte celui qui est désormais octogénaire. "Dans les dortoirs, il y avait un surveillant qui, tous les soirs, me prenait sur ses genoux, relevait ma chemise de nuit. J'avais aussi à subir les attouchements sexuels d'un frère beaucoup plus âgé, qui devait avoir 70 ans." Ces abus se répètent presque tous les jours durant trois mois. Finalement, Claude parvient à en parler à son père qui le retire aussitôt de l'institution mais n'en dit pas un mot. Claude enfouit alors tout au plus profond de lui-même durant de longues années, prenant du même coup ses distances avec la religion. 

Cette messe, "c'est de l'hypocrisie". Et ce n'est pas la journée de prière et de pénitence, organisée lundi pour les victimes à l'initiative des 120 évêques de France, qui va le faire changer d'avis. Pour lui, la messe qui se tient à midi à Lourdes n'a aucune importance. "C'est de l'hypocrisie", explique-t-il. "Ce n'est pas une messe qui va changer quelque chose. J'ai vécu des choses insoutenables et je n'arriverai jamais à admettre qu'une institution comme ça puisse faire des choses pareilles."

Briser le silence. S'il en parle aujourd'hui, 70 ans après les faits, c'est que Claude espère que le scandale de la pédophilie dans l'Église cesse enfin. Il n'est d'ailleurs pas le seul. Les témoignages continuent d'affluer en masse auprès de l'association lyonnaise "La Parole libérée", qui a, en premier, dénoncé ces affaires. Plus de 400 déclarations ont ainsi été recueillies en quelques mois, dont beaucoup de personnes âgées qui, enfin, osent briser un long silence.