Pédocriminalité dans l'Église : "Il y a une dérive théologique qui sacralise le prêtre"

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La publication, mardi, du rapport Sauvé, qui fait état de 216.000 victimes de membres du clergé pédocriminels, continue d'ébranler l'institution religieuse. Mercredi, sur Europe 1, monseigneur Luc Crepy, évêque de Versailles, a pointé le problème de la sacralisation des clercs, qui "se sont arrogés un pouvoir devenu toute puissance".

La publication des conclusions du rapport Sauvé, mardi matin, a causé une déflagration au sein de l'Église. Il faut dire que les chiffres de la commission d'enquête indépendante sur la pédocriminalité dans l'Église catholique sont vertigineux : 216.000 mineurs victimes de membres du clergé depuis 1950, 330.000 victimes si on y ajoute celles qui ont été violentées par des laïcs travaillant dans les institutions de l'Église. Mercredi, sur Europe 1, l'évêque de Versailles, monseigneur Luc Crepy, a dit toute sa "honte" et tenté d'apporter des éléments d'explication.

"Un pouvoir devenu toute puissance"

Car au-delà du constat, il est nécessaire de s'interroger sur les mécanismes qui ont permis une telle violence "systémique", comme la qualifie le rapport Sauvé. Et pour l'homme d'Église, "il y a une dérive théologique qui sacralise le prêtre" aujourd'hui. "Je pense que quand on regarde le profil de beaucoup d’agresseurs, ce sont des personnes qui se sont arrogées un pouvoir devenu toute puissance, la dérive malheureusement banale de tout pouvoir. Ils sont devenus des hommes intouchables."

Cette dérive amène à confondre le prêtre et le Christ lui-même. "C’est tout à fait erroné. Que le prêtre, dans les célébrations, à la messe en particulier, où il reprend les paroles du Christ, prenne un peu la place du Christ… Mais le prêtre n’est pas le Christ", martèle monseigneur Luc Crepy. Qui s'appuie ensuite sur l'Évangile. "J’aurais envie de dire que le Christ, avant de quitter ses apôtres et ses disciples, leur a lavé les pieds. Il y a cette contradiction flagrante : être prêtre, c’est être au service de."

"Une abîme dans le comportement"

Ce n'est pas la seule contradiction entre les actes et les textes qui, pourtant, devraient guider le clergé. Dans l'Évangile, rappelle l'évêque de Versailles, "Jésus mes les enfants les premiers, [les considère] comme ceux à qui le Royaume des Cieux, la proximité de Dieu est première". "Ces actes barbares sont tellement contraires à l'Évangile... Quand c'est fait en plus par des hommes qui ont dit qu'ils suivraient le Christ... Ce décalage, cette espèce d'abîme dans le comportement..."

En revanche, il est une autre explication que monseigneur Luc Crepy refuse : celle du célibat des prêtres. "On ne peut pas lier la pédophilie et le célibat", estime-t-il. "Il y a tant de célibataires dans notre société, ce serait faire injure aux gens que de dire ces choses-là. Et malheureusement la majorité des violences sexuelles sont dans le cadre familial."