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Chloé Triomphé, édité par Romain David
En septembre 2016, Bilal Taghi, un détenu radicalisé, a violemment agressé deux de ses surveillants de la maison d'arrêt d'Osny. Ce premier cas de terrorisme carcéral en France a obligé l'administration pénitentiaire à revoir en profondeur sa gestion de la radicalisation. Mais les avocats des victimes réclament davantage de moyens pour garantir la protection des personnels.
TÉMOIGNAGE

Le procès aux assises de la première attaque terroriste dans une prison en France s'ouvre mardi matin à Paris. Le 4 septembre 2016, aux alentours de 15 heures, le détenu Bilal Taghi est sorti de sa cellule de la maison d’arrêt d’Osny pour se rendre en promenade. Dans sa manche, il dissimule un poinçon artisanal, avec lequel il assène plusieurs coups à la carotide à Philippe, un surveillant de 51 ans, qui ne doit la vie sauve qu'à l'intervention de l'un de ses collègues, également blessé dans l’attaque. Il raconte la scène au micro d'Europe 1.

"Ça a été très vite. Après coup, les douleurs ont été très difficile à supporter", raconte Philippe à Europe 1. "J’étais complètement effondré. On essaye de se vider, de se dégager de tout ça, d’oublier. On nie l’évidence, on nie le fait que l’on est en souffrance et ce qui nous est arrivé. On ne comprend pas pourquoi cet acte a été commis", poursuit ce surveillant. "Mon envie, pour la suite, c’est d’aller de l’avant, de redevenir l’homme que j’ai été, malgré cette histoire qui me colle à la peau. Je suis un homme brisé aujourd’hui, qui tente de se remettre debout."

Pour maître Marion Ménage, qui défend l'autre surveillant agressé dans l’attaque, ce procès permettra d'"humaniser des victimes, qui ne sont pas que des surveillants, mais aussi des hommes et des individualités". Plus largement, pour maître Pascal Winter, qui défend Philippe et le syndicat de surveillant UFAP, ce procès posera le débat "des moyens alloués pour gérer des détenus dangereux en alliant une sécurisation maximale du personnel et la nécessité de côtoyer les détenus au plus près", alors que plus de 1.200  prisonniers de droit commun ont été identifiés comme "radicalisés", en plus des 500 personnes incarcérées pour terrorisme islamiste.

Evaluer la dangerosité des détenus radicalisés

Toutefois, cette agression a déjà créé un électrochoc au sein de la pénitentiaire, d'autant plus que l'unité dans laquelle était incarcéré Bilal Taghi était l'une des premières expérimentations de ces quartiers dédiés aux islamistes radicaux violents que l'administration tente de "déradicaliser". Après la polémique sur l'erreur manifeste d'appréciation de la dangerosité de ce détenu, les pratiques sur la prise en charge de la radicalisation ont été revues. Désormais, les détenus passent d'abord plusieurs mois dans des QER (quartiers d'évaluation de la radicalisation, il en existe sept en France) avant d'être orienté vers différentes formes de prise ne charge, qui vont de l'isolement à des placements en quartier spécifiques. 

Quant au profil de Bilal Taghi, il pose toujours beaucoup de questions : il était à époque incarcéré pour une tentative avortée de départ en Syrie et durant l'instruction, il n'a formulé ni regrets ni remords. Il avait revendiqué son geste pour "mener son djihad en France, en s'en prenant à un représentant de l'Etat français". Il a aussi laissé entendre que s'il n'avait pas d'autres projets d'attaques.