ski La Clusaz, montagne, neige crédit : JEAN-PIERRE CLATOT / AFP - 1280 4:12
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Rémy Pierre, édité par Marthe Ronteix
Alors qu'ils font vivre les stations de ski, les saisonniers doivent souvent accepter des conditions de logement difficiles pour pouvoir travailler l'hiver. Les appartements sont trop peu nombreux et souvent exigus voire insalubres, comme le raconte le reporter d'Europe 1 à La Clusaz, en Savoie.
REPORTAGE

Les stations de ski ont toujours autant besoin des saisonniers en hiver, même s'ils y sont mal logés. C'est le paradoxe vécu par les pisteurs, serveurs et autres professeurs de skis qui ne travaillent à la montagne qu'en hiver et qui sont indispensables pour faire fonctionner à plein ces lieux de vacances. Or la mort en janvier dernier de deux saisonniers dans l'incendie du chalet où ils logeaient à Courchevel, en Savoie, a mis en lumière leurs conditions de travail et surtout de logement.

Des problèmes récurrents. Et ce drame n'est pas le premier du genre. En janvier 2013, un couple était mort à La Clusaz, en Haute-Savoie, dans l'incendie du camion où il vivait. Six ans plus tard, le parking où le camion des victimes était stationné est désormais fermé sur décision de la mairie, a constaté le reporter d'Europe 1.

Des logements pris d'assaut. Mais les problèmes de logement persistent toujours. "Je suis logée par mon employeur, on est quatre dans un 50m2", raconte Julie qui travaille pour la première fois comme serveuse dans la station. "Il n'y a plus beaucoup d'espace pour chacun. Voir ses collègues au boulot et à la maison, ce n'est pas toujours la joie. Donc avec mon copain, on a fait toutes les agences du coin mais aucune ne voulait de saisonniers. Ils ne voulaient que des logements à la semaine alors on a fini au 'foyer des saisonniers'."

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Trop peu de studios pour la demande. Ce "foyer des saisonniers" appartient à la mairie depuis 1994. Il propose une trentaine de chambres de 12 à 20 m2. Simon, pisteur-secouriste, partage l'une d'elles avec son amie Marilou. Ils ont une petite salle de bain avec des toilettes séparés puis une grande pièce de vie avec des plaques chauffantes, un frigo, deux lits et une petite table. "Nous on est jeune, on s'en fout un peu, c'est correct", commente-t-il au micro du reporter d'Europe 1.

Un logement propre mais plutôt spartiate... dont tous les saisonniers ne peuvent pas bénéficier. "J'ai réussi à trouver [à me loger] chez une amie qui a libéré la chambre de son fils pour pouvoir me loger pour l'hiver", explique Gaultier qui vend des skis dans un magasin de sport. Cette logeuse improvisée a ainsi pu "alléger son loyer à l'année qui est assez conséquent. C'est une forme de colocation."

Entendu sur europe1 :
Ils ont besoin de nous mais ils ne font rien pour nous garder. Les gens ont du boulot mais pas de logement et c'est vraiment un gros problème

Des patrons indélicats. D'autres doivent accepter des logements insalubres. "Elle m'a montré des photos, c'était hallucinant", raconte Caroline dont l'amie a occupé brièvement un tel logement. "Il y avait de la moisissure sur les murs, les meubles étaient cassés, il y avait même des traces de pieds, de chaussures... On a vraiment l'impression d'être traités comme de la merde. Ils ont besoin de nous mais ils ne font rien pour nous garder. Les gens ont du boulot mais pas de logement et c'est vraiment un gros problème." Sur un forum de discussion, un saisonnier affirme même que son employeur le loge dans un garage. 

Un nombre très important de saisonniers à loger. Les conditions de mal logement sont monnaie courante dans quasiment tous les massifs montagneux. Avec 120.000 saisonniers en hiver pour les trois département de l'Isère, de la Savoie et de la Haute-Savoie, il est difficile de loger tout le monde. À La Clusaz par exemple, la station accueille environ 2.000 saisonniers l'hiver pour seulement 1.800 habitants à l'année. 

Une loi existante... mais peu respectée. La loi "Montagne 2" de 2017 précise les obligations des stations en matière de logement des saisonniers. Une convention doit ainsi être signée entre les stations et l'État pour déterminer les besoins dans ce domaine et les réaliser dans un délai de trois ans. Mais à ce jour, seule Les Menuires, en Savoie, a signé une telle convention.

Des loyers élevés. Et en plus des logements insuffisants ou insalubres, les loyers pratiqués par certains patrons-propriétaires dissuadent plus d'un salarié. À Courchevel par exemple, dans le chalet qui a été incendié, le loyer mensuel était de 600 euros alors que le salaire net ne dépassait pas les 1.300 ou 1.400 euros.

Une main d'oeuvre qui va venir à manquer. La CGT réclame depuis de nombreuses années de véritables moyens de contrôles et de sanctions, inexistants aujourd'hui. Le syndicat craint de nouveaux drames dans les hivers qui viennent. Et au-delà du choc que constituent les dramatiques accidents de ces travailleurs saisonniers,c'est à terme une main d'oeuvre qui risque de se faire de plus en plus rare.