Nordahl Lelandais père en prison : qu'est-ce que le syndrome d'hybristophilie, l'attirance pour des criminels ?

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Sylvain Allemand // Crédits : BENOIT PEYRUCQ / AFP , modifié à
Nordahl Lelandais est devenu papa d’un petit garçon il y a deux mois. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 2022, le meurtrier de Maëlys de Araujo et du caporal Arthur Noyer a donc pu entretenir une relation alors qu’il était incarcéré. Violeurs, tueurs ou terroristes, ces profils attirent certaines personnes, toutes atteintes du syndrome d'hybristophilie.

Peut-on être attiré par un tueur en série ? Le 12 janvier dernier, l’opinion publique a appris avec indignation que Nordahl Lelandais était devenu papa d’un petit garçon il y a deux mois. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 2022, le meurtrier de Maëlys de Araujo et du caporal Arthur Noyer a donc pu entretenir une relation alors qu’il était incarcéré et malgré ses actes innommables. Cette naissance est le résultat d'un nouveau cas d’hybristophilie.

Ce syndrome peut être défini comme le désir que certaines personnes ressentent pour des criminels. Même si le phénomène reste assez rare, il est néanmoins une réalité, comme en témoigne la paternité de Nordhal Lelandais. "C’est une chose qui est très mal connue, car il n’y a pas d’étude précise sur le sujet. Maintenant, le grand public s’en rend compte via la médiatisation", indique à Europe 1, Jean-Pierre Bouchard, psychologue et criminologue. 

La fascination est proportionnelle à la monstruosité des actes commis

En règle générale, l’hybristophilie cible principalement les hommes, bien souvent condamnés à la perpétuité pour des actes tels que des viols ou des meurtres en série. Une fois détenus, ces individus font alors l’objet d’une fascination de la part de femmes et, beaucoup plus rarement, d’hommes. Marc Dutroux, Guy Georges et même Salah Abdeslam ont tous reçu de nombreuses lettres enflammées. Un phénomène qui n’a rien de moderne. Dans les années 20, Landru, l’un des premiers tueurs en série français, était l’heureux destinataire de courriers venant de femmes fascinées. "Certaines veulent seulement entrer en contact avec l'inculpé pour se faire une idée", tempère Jean-Pierre Bouchard. 

La grandeur de la fascination est proportionnelle à la monstruosité des actes commis. "Les admiratrices peuvent être attirées et excitées par la notoriété criminelle, parce que les détenus deviennent le Mal", décrypte l’expert. "On sait que dans les cas très médiatisés, surtout quand ces hommes ont des présentations physiques classiques, ils peuvent recevoir beaucoup de demandes, certains ont en reçu des dizaines ou des centaines", ajoute le criminologue. Une attirance qui résulte d'une forme de déviance. "Le point commun de ces personnes est qu'elles évoluent dans un cadre normé mais elles assimilent le plaisir à la transgression des règles. Commencer une relation avec un homme qui a osé passer outre les normes est une manière d'assouvir leurs désirs", détaille Marjorie Sueur, psychologue.  

Remettre le détenu dans le droit chemin 

Malgré des points communs, les femmes éprises d’un criminel incarcéré sont à séparer en deux groupes : celles voulant "sauver" le détenu de ses démons et celles qui s'identifient à lui. Les premières veulent bien souvent devenir l’unique personne réussissant l’exploit de ramener l’inculpé sur le droit chemin. Ce comportement est lié à un déni très important qui conduit ces femmes à penser que la relation qu’elles entretiennent avec le criminel lui sera salvatrice. "Elles omettent totalement la part monstrueuse du criminel", souligne Marjorie Sueur. Un ensemble de symptômes qui est parfois appelé syndrome de l'infirmière ou de l’assistante sociale. 

Pour les femmes de la seconde catégorie, les origines de la relation ne sont pas aussi louables. Pour cause, la fascination résulte d’une similitude dans les comportements déviants. Le cas le plus célèbre est celui de Monique Olivier et le tueur en série Michel Fourniret. Les deux amants diaboliques avaient entamé une relation épistolaire alors que le violeur récidiviste était en prison. Une fois en couple, Monique Olivier deviendra la complice active de l’"ogre des Ardennes".  "Il n’y a pas de maladie. Il s’agit d’une attirance très particulière que l’on peut qualifier de perverse", conclut Jean-Pierre Bouchard. 

Un désir fort de notoriété 

En réalité, ces femmes atteintes d’hybristophilie sont bien souvent à la recherche de notoriété. Pour cela, elles sont prêtes à s'unir avec un criminel tristement connu afin de partager sa célébrité.  "Il y a des tueurs en série qui ne sont ni attractifs physiquement ni intellectuellement, et pourtant, des jeunes femmes les contactent. Le fait criminel devient une assurance pour elles", explique le criminologue. En somme, plus le détenu a commis des faits graves, plus sa notoriété est importante, et donc plus l’attirance de ces femmes pour eux est grande. 

Le succès auprès de la gente féminine de Nordalh Lelandais vient étayer ce constat. Pour le meurtrier de la petite Maëlys, les relations ont bien souvent dépassé le cadre de la liaison épistolaire. En prison depuis six ans, le jeune père a eu de nombreuses relations amoureuses qui se concluaient parfois de manière charnelle dans les unités de vie familiale.