Mort de Samuel Paty : «Un épisode traumatisant pour beaucoup» de professeurs, explique Jean-Pierre Obin

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Alors que le nombre d'agressions et de menaces envers les professeurs ne cesse d'augmenter ces dernières années, les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard ont provoqué un sentiment de crainte chez les professeurs. Invité d'Europe 1 Matin, Jean-Pierre Obin, auteur de l'ouvrage "Les profs ont peur", estime qu'"il y a un avant et un après ce traumatisme qu'a constitué l'assassinat de Samuel Paty".

Des agressions, des pressions, des menaces... Le nombre d'actes violents contre les professeurs est en constante augmentation depuis plusieurs années. L'assassinat de Samuel Paty en 2020, et celui de Dominique Bernard en octobre dernier ont provoqué un sentiment de crainte chez les enseignants de tous niveaux. Pour Jean-Pierre Obin, ancien inspecteur général de l’Éducation nationale et auteur de l'ouvrage Les profs ont peur (ed. de l'Observatoire), "il y a un avant et un après ce traumatisme qu'a constitué l'assassinat de Samuel Paty", explique-t-il au micro d'Europe 1 Matin.

Selon l'ancien inspecteur, les professeurs "ont peur d'un certain nombre de situations qui sont le plus souvent des atteintes à la laïcité, des incidents de cours. Six sur dix auraient peur de montrer des caricatures de personnages religieux à leurs élèves, cinq sur dix auraient peur de parler des motifs de l'assassinat de Samuel Paty avec leurs élèves... Et au bout du compte, huit professeurs sur dix ont peur d'une situation où la religion serait présente et où les élèves contesteraient tel ou tel aspect de leur cours", détaille Jean-Pierre Obin.

"Les principales contestations touchent à l'enseignement des valeurs"

Dans son ouvrage, il révèle également que sur les quelque 850.000 enseignants que compte la France, 100.000 ont subi l'an dernier une agression physique ou verbale. Selon Jean-Pierre Obin, les professeurs de tous territoires, de tous degrés d'enseignement et de toutes disciplines sont concernés. "25% des instituteurs aujourd'hui disent avoir vécu une contestation de cours dans le primaire", assure-t-il. "Et si on passe à l'autre extrémité, c'est-à-dire ceux qui enseignent en réseau d'éducation prioritaire, ce sont deux tiers d'entre eux qui disent s'être déjà censurés."

Pour Jean-Pierre Obin, la mort de Samuel Paty et les semaines qui ont suivi, notamment le retour en classe des élèves, ont été "un épisode traumatisant pour beaucoup d'entre eux". Selon lui, il existe plusieurs sujets sensibles que les professeurs n'osent plus aborder en cours. "Je pensais comme beaucoup, que les principales difficultés enseignées touchaient par exemple la Shoah, la théorie de Darwin, etc... Les principales difficultés, les principales contestations, touchent à l'enseignement des valeurs, c'est-à-dire, par exemple la mixité entre les filles et les garçons, l'égalité entre les hommes et les femmes, la liberté d'expression, la laïcité...", détaille-t-il.

Il dénonce également le manque de réactions du ministère de l'Éducation nationale. "Je montre [dans l'ouvrage Les profs ont peur] que dans tous les signalements qui sont révélés, le nombre est sans doute largement inférieur à un sur 100 par rapport à la réalité. On est dans un rapport de plus d'un sur 100. C'est-à-dire que le nombre d'atteintes à la laïcité réelle dans les classes est 100 fois supérieur à ce qu'annonce le ministère", regrette Jean-Pierre Obin au micro d'Europe 1.