Mediator : les laboratoires Servier reconnus responsables

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N.M. avec AFP , modifié à
C'est la première fois que la justice reconnait la responsabilité du laboratoire dans ce scandale sanitaire. 

Huit ans après la révélation du scandale du Mediator, la responsabilité des laboratoires Servier a été reconnue pour la première fois jeudi devant le tribunal de grande instance de Nanterre. 

Défaut d'information auprès des patients. Le tribunal a reconnu la responsabilité civile des laboratoires Servier, pour avoir laissé sur le marché un médicament "défectueux", dont ils ne pouvaient "pas ignorer les risques". Saisi des demandes d'indemnisations de deux malades de 72 et 67 ans, le tribunal a estimé qu'à la date de la prescription du médicament, en 2003 et 2006, "l'état des connaissances scientifiques ne permettait pas d'ignorer les risques d'hypertension artérielle pulmonaire et de valvulopathies induits par le benfluorex", et "la seule suspicion de ces risques" obligeait le laboratoire "à en informer les patients et les professionnels de santé", notamment dans la notice d'utilisation.

Une "victoire en demi-teinte". Leur responsabilité engagée sur le fondement de la "défectuosité" du médicament, recouvrant notamment le défaut d'information et le défaut de sécurité, les laboratoires sont condamnés à verser respectivement 27.350 euros et 10.000 euros aux deux victimes. Cette première décision sur le fond est une "victoire", mais une "victoire en demi-teinte", a commenté l'avocat d'une des victimes, Me Charles Joseph-Oudin, en critiquant "le montant dérisoire" des indemnisations. Son client va faire appel : il demandait 900.000 euros.

Servier en appel ? Du côté du groupe pharmaceutique aussi, la possibilité d'un appel est envisagée. "Servier prend acte des jugements" et se "réserve la possibilité de faire appel", ont réagi les laboratoires dans un communiqué. "Servier confirme son engagement d'indemniser chaque patient dont les dommages sont liés" à la prise du Mediator "et continuera à le faire indépendamment des procédures judiciaires portant sur sa responsabilité", a par ailleurs précisé la société. A ce jour, elle a déjà versé 14 millions d'euros pour indemniser les patients dans le cadre de transactions, éteignant de fait les actions judiciaires, ou d'accords amiables.

Comment les victimes seront indemnisées ? Huit ans après les révélations du Dr Irène Frachon, aucune victime présumée du Mediator n'avait jusqu'ici été indemnisée judiciairement, les tribunaux ayant seulement accordé des provisions.Servier, qui n'avait jamais dévoilé ce chiffre auparavant, a annoncé mercredi avoir provisionné 70 millions d'euros dans ses comptes pour indemniser la totalité des victimes du Mediator et leurs caisses d'assurance-maladie.

Cette provision est inscrite dans les comptes prévisionnels de l'exercice du groupe pharmaceutique clos au 30 septembre 2015, toujours selon le laboratoire. Ce montant vient s'ajouter aux 14 millions d'euros d'indemnisations que Servier déjà versés aux patients et ne tient pas compte d'une éventuelle future sanction au pénal dans l'affaire.

Médicament nocif ? Pour les avocats des victimes présumées du Mediator, la nocivité de ce coupe-faim était connue dès les années 90. "Les laboratoires ne pouvaient plus ignorer qu'il y avait une balance bénéfices-risques défavorable à laisser le médicament sur le marché", avait soutenu Maître Verdier à l'audience. Pour la défense de Servier, la communauté scientifique jusqu'en 2009 avait rapporté peu de troubles cardiaques chez les utilisateurs du Mediator.

Scandale sanitaire. Le Mediator a été prescrit pendant 30 ans contre l'excès de graisse dans le sang, puis à des diabétiques en surpoids. Mais, à l'origine de lésions sur les valves cardiaques, il pourrait avoir causé la mort de 2.100 personnes.