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Antoine Bienvault / Crédit photo : Paul Roquecave / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP , modifié à
La colère des agriculteurs français ne faiblit pas. Depuis plusieurs jours, ils sont nombreux à manifester ou à participer à des actions de blocages, comme dans le Tarn-et-Garonne, le Gers, la Haute-Garonne... Ils réclament des réponses face au manque de revenus et à la concurrence. Ce samedi, ministres et préfets iront à leur rencontre pour écouter leurs revendications.

Sommes-nous à l'aube d'une nouvelle crise d'ampleur du type Gilets jaunes avec les agriculteurs ? C'est ce que redoute l'Élysée. Depuis plusieurs mois, les actions se multiplient et la colère monte d'un cran. Vendredi soir encore, des blocages étaient en cours dans le Tarn-et-Garonne, le Gers, la Haute-Garonne... Pour calmer la grogne, Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture, se rend dans le Cher ce samedi. Les préfets sont quant à eux chargés de rencontrer les agriculteurs et leurs représentants tout ce week-end.

Les agriculteurs ne cessent de le dire, de le répéter et maintenant de le crier : ils sont en danger. Au cœur de leur inquiétude : le manque de revenus. En 30 ans, le revenu net de la branche agricole française a chuté de 40%. Cet agriculteur de Haute-Garonne, rencontré par Europe 1, a par exemple de plus en plus de mal à boucler ses fins de mois. "Le problème aujourd'hui, c'est que les agriculteurs n'ont plus de revenus. Pourquoi ? Parce que surcharge administrative continuelle, distorsion de concurrence avec des importations continuellement. Et il y a un vrai ras-le-bol", explique-t-il.

Quel avenir pour les exploitations familiales ?

Mais l'agriculteur pointe du doigt un autre problème. "On n'a quasiment pas de renouvellement des générations. Quand il n'y a pas de revenu dans une profession, on ne renouvelle pas. Quand on voit des fils d'agriculteurs qui ne reprennent pas l'exploitation, c'est qu'il y a un vrai marasme", s'inquiète-t-il au micro d'Europe 1.

Des jeunes découragés qui ne reprendraient pas l'exploitation familiale, c'est ce que craignent principalement ces agriculteurs. Il faut dire que la filière française souffre d'un contexte économique particulièrement défavorable. "Les produits français sont en grande partie consommés par les consommateurs français. Quand on est dans une période inflationniste pour les consommateurs, on voit que c'est l'effet prix qui joue le plus. Et si des produits étrangers sont plus compétitifs, évidemment qu'ils vont être particulièrement consommés sur le marché français", analyse Karine Daniel, économiste à l'École supérieure d'agriculture d'Angers.

 

Forte hausse des importations en provenance d'Ukraine

Une concurrence européenne déloyale qui casse les prix et que dénoncent ces agriculteurs, comme Jérôme Bailly, éleveur de bovins à viande en Haute-Garonne. "On est vraiment soumis à la concurrence déloyale des autres pays. On importe des produits avec OGM alors qu'en France, c'est interdit. On importe de l'agneau de Nouvelle-Zélande, je pense qu'écologiquement, ce n'est pas le mieux. Alors qu'en France on fabrique du très bon agneau, on est capable d'élever de la très bonne marchandise", insiste-t-il. "L'Agriculture française est l'agriculture la plus saine au monde, il faut quand même l'entendre. Il est temps de remettre l'agriculture vraiment au centre des débats. Je pense que le métier de l'agriculture est en voie de disparition".

En effet, les importations agricoles sont en forte hausse, notamment celles en provenance d'Ukraine. Pour soutenir l'économie ukrainienne en temps de guerre, l'Europe facilite l'importation de produits ukrainiens, notamment la volaille et le sucre. Et cet afflux supplémentaire de marchandises fragilise l'agriculture française.

"On a signé un accord de libre-échange avec l'Ukraine en 2015 et là, on accélère son application, avec notamment un démantèlement total des droits de douane qui étaient appliqués sur des produits ukrainiens", détaille Thierry Pouch, économiste aux Chambres d'agriculture de France. "Donc, ce surcroît important d'importations pénalise économiquement les agriculteurs français." Une situation qui, selon eux, pourrait menacer à court terme la souveraineté alimentaire de la France.