Mal-logement : les nouvelles difficultés des Français

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Margaux Baralon , modifié à
PAUVRETÉ - Dans son enquête 2016 sur le mal-logement, la Fondation Abbé Pierre intègre pour la première fois le coût excessif de l’habitat et le froid à domicile comme des facteurs de précarité.

Ce ne sont pas des phénomènes nouveaux, mais ils n’avaient pas encore fait l’objet d’un chiffrage précis. L'"effort financier excessif" et le "froid à domicile" font leur entrée dans le dernier rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement. Ils y sont considérés comme "deux nouvelles formes de fragilisation par le logement" que l'association appelle à "mieux appréhender".

Dépense insoutenable pour près de 6 millions de Français. L'effort financier excessif s'applique aux "ménages modestes appauvris par des niveaux de loyers insoutenables, en particulier dans le privé", explique la Fondation dans son enquête. Il concerne les foyers qui dépensent au moins 35% de leurs revenus dans le logement et auxquels il reste, une fois l'habitat payé, moins de 65% du seuil de pauvreté (650 euros par mois et par adulte). Selon ce mode de calcul, 5,73 millions de Français font un effort financier excessif pour leur logement, soit une augmentation de 42% entre 2006 et 2013. Près de la moitié d'entre eux vivent seuls.

Des loyers qui augmentent plus que les revenus. "L'effort financier excessif est une problématique qui nous a sauté à la figure depuis une quinzaine d'années", souligne Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre. "Il fallait la qualifier quantitativement." Pour expliquer cette dégradation, l'association se penche sur le décalage entre l'évolution des salaires et celle des loyers. Et montre que l'écart se creuse. Entre 2002 et 2013, les locataires ont vu leurs revenus croître de 1,15% par an en moyenne en HLM et 1,01% dans le privé. Dans le même temps, les dépenses de logement ont bondi de 5,56% en HLM et 3% dans le privé.

Se serrer la ceinture pour pouvoir payer le loyer. Or, le nombre de ménages en situation d'impayés de loyers est quasi stable ces dernières années (+2%). "La crise n'est pas forcément là où on l'attendait", résume la Fondation Abbé Pierre. "Les locataires continuent de payer leur loyer, mais à quel prix…" Celui d'un appauvrissement considérable.

Accentuation de la précarité énergétique. Du côté du "froid à domicile", Christophe Robert dénonce "un phénomène qui s'est beaucoup accentué". Le nombre de ménages français ayant déclaré avoir eu froid au cours de l'année pour des raisons liées à la précarité a augmenté de 25% entre 2006 et 2013 pour atteindre près de 3,4 millions. Parmi eux, plus d'un million ont expliqué s'être privés de chauffage pour des raisons financières, un chiffre en hausse de 44%.

Une loi ambitieuse mais qui demande des moyens. Des données "alarmantes" selon la Fondation, qui rappelle pourtant que le thème de la précarité énergétique est "apparu dans les débats publics il y a moins de dix ans" et reste régulièrement "érigé comme un problème d'habitat de moins en moins toléré". Le projet de loi sur la transition énergétique, adopté en juillet dernier, contient ainsi une batterie de mesures destinées à lutter contre ce fléau. Mais la Fondation Abbé Pierre avait regretté "de graves oublis" lors de la présentation du texte. Celui-ci "a des objectifs très ambitieux sur la rénovation thermique des logements des plus modestes, salue Christophe Robert. Mais il va falloir se donner les moyens." Moyens qui, pour l'instant, n'ont pas été entérinés par les pouvoirs publics.