Lycée musulman : relaxe requise pour l'ex-enseignant poursuivi pour diffamation

L'enseignant reprochait à son ancien établissement des dérives islamistes. © FRED DUFOUR / AFP
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avec AFP , modifié à

Le professeur de philosophie avait vivement critiqué dans une tribune le lycée musulman Averroès, à Lille.

Le parquet a requis mardi la relaxe d'un ex-enseignant d'un lycée musulman de Lille poursuivi pour avoir publié plusieurs articles qui faisaient état de dérives islamistes au sein de l'établissement. La décision du tribunal correctionnel de Nanterre, devant lequel l'affaire était plaidée, a été mise en délibéré.

Des propos pas diffamants. "C'est de la polémique, pas de la diffamation. Sans ça, il n'y a plus possibilité de s'exprimer", a estimé le procureur adjoint, Lionel Bounan. Lors d'une audience de près de dix heures, les débats ont largement porté, au-delà des simples écrits litigieux, à la fois sur le fonctionnement de l'établissement confessionnel sous contrat avec l'Etat et celui de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), dont le président, Amar Lasfar, est également à la tête de l'association Averroès, laquelle chapeaute le lycée du même nom.

Le lycée Averroès, un "territoire musulman". L'ex-enseignant en philosophie, Soufiane Zitouni, avait publié deux tribunes à la suite des attentats de janvier 2015, dans lesquelles il affirmait que "le lycée Averroès (était) un territoire musulman" dans lequel était diffusé "de manière sournoise et pernicieuse une conception de l'islam qui n'est autre que l'islamisme". "Je n'avais jamais vu une telle confusion entre religion et éducation nationale", a expliqué à la barre Soufiane Zitouni, qui exerce aujourd'hui dans un établissement catholique. "Il y a un réel projet politique de créer de plus en plus d'établissements estampillés UOIF qui vont proposer cette conception de l'islam. J'ai voulu exprimer publiquement cette opinion pour participer à un débat public d'intérêt général", a-t-il poursuivi, en évoquant par ailleurs des "mécènes de l'ombre" pour financer l'établissement.

Un double-discours. Mohamed Louizi, qui a appartenu de l'âge de 13 à 28 ans aux Frères musulmans, a également dénoncé un double discours, modéré devant les médias mais fondamentaliste dans la pratique. "Ce double discours (...), cela aurait donc échappé à tous les responsables politiques avec qui j'ai travaillé pendant trente ans ?", a ironisé le président de l'association Averroès, Amar Lasfar, qui réclame un euro symbolique de dommages et intérêts. Pourtant, l'établissement a déjà été mis en cause : "La maire de Lille, Martine Aubry (PS), semble soutenir l'idée du double discours", lui a rappelé la présidente du tribunal.

Confusion des enseignements. Le parquet a en revanche retenu la diffamation contre un deuxième prévenu, Mohamed Louizi, un ancien proche de la direction du lycée, qui avait écrit six textes sur un blog en reprenant les critiques contre l'établissement, et qui avait fait état de "menaces" et d'"enfants pris en otage avec un seul discours idéologique". A la suite de l'affaire des tribunes dans Libération, le rectorat avait par ailleurs rédigé un rapport d'inspection, dans lequel il estimait que, si le lycée respectait "globalement" les termes de son contrat avec l'Etat, il existait toutefois une confusion entre l'enseignement d'"éthique musulmane" et la philosophie.

En mai, la cour d'appel de Douai avait confirmé une première condamnation de Soufiane Zitouni pour diffamation, sur la base de courriels envoyés à plusieurs de ses collègues dans lesquels il avait écrit des propos similaires à ceux des tribunes de Libération. Soufiane Zitouni a formé un pourvoi en cassation.