L'usage des drones par les forces de l'ordre doit être élargi par la loi "Sécurité Globale". 1:38
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avec AFP , modifié à
Saisie par la commission des Lois du Sénat, la Commission nationale informatique et libertés a rendu mercredi son avis sur le texte de la loi "Sécurité Globale". La Cnil fait part de plusieurs inquiétudes, notamment en ce qui concerne de potentielles dérives de l'usage de drones pour le maintien de l'ordre.

Peut mieux faire : la Cnil, gardienne de la vie privée des Français, souhaite que le Parlement améliore sa copie sur l'usage des drones par la police et d'autres mesures de la proposition de loi "Sécurité globale". Saisie par la commission des Lois du Sénat, la Commission nationale informatique et libertés a publié mercredi son avis, dans lequel elle évoque plusieurs dispositions clés du texte, notamment l'usage des drones pour le maintien de l'ordre et l'exploitation des vidéos filmées par les caméras piétons des policiers. La Cnil alerte contre le recours croissant à la vidéosurveillance, un "solutionnisme technologique" qui engendre, selon elle, des risques pour les libertés fondamentales.

Un cadre juridique encore trop flou

La Cnil a passé au crible toutes les dispositions de la proposition de loi "Sécurité Globale", dont certaines concernent directement le respect de la vie privée et la protection des données personnelles. Le principal objet de l'avis rendu est l'usage des caméras aéroportées, les drones, par les forces de l'ordre, par exemple pour surveiller les manifestations. Sur ce point, le gendarme des libertés reconnaît l’utilité de définir un cadre juridique qui manquait ces dernières années. Mais il s'inquiète de l'absence de garde-fous causée par un texte trop flou en l'état. Adoptée par l'Assemblée nationale en novembre, la proposition de loi va désormais être débattue au Sénat.

"Le cadre normatif tel qu'envisagé" dans la proposition de loi "et les évolutions qui en découlent ne permettent toujours pas (…) d'aboutir à un encadrement juridique suffisamment protecteur des droits des personnes", critique la Cnil. Elle estime notamment "indispensable de limiter davantage les finalités pour lesquelles ces dispositifs (les drones) peuvent être employés". L'usage des drones doit être "réservé à la lutte contre les infractions d'un degré élevé de gravité", et la législation devrait exiger qu'il y ait un risque de "troubles graves à l'ordre public" avant que les drones ne soient employés pour des opérations de maintien ou de rétablissement de l'ordre.

La Cnil souhaite une expérimentation préalable pour les drones

"C'est le principe du double verrou. D'abord, il y a la question de la nécessité : le drone est-il utile à la lutte contre toutes les infractions prévues par le code pénal ou seulement pour certaines d'entre elles ? Ensuite, il y a la proportionnalité : est-il raisonnable de procéder à l'identification par drone de toute personne dans la rue pour constater des contraventions ?", a explicité Marie-Laure Denis, la présidente de la Cnil, lors de son audition par la commission des Lois du Sénat mercredi. Pour ces raisons, et en attendant un cadre juridique clair, le gendarme des libertés suggère que l'utilisation des drones par les forces de l'ordre fasse l'objet d'une "expérimentation préalable".

Face à ce vide législatif, le Conseil d'État avait ordonné en décembre au ministère de l'Intérieur l'arrêt des vols de drones pour surveiller les manifestations. Peu après, la Cnil était allée plus loin en enjoignant au ministère de l'Intérieur de faire cesser "sans délai" tout vol de drone équipé de caméras quel qu'il soit, jusqu'à ce qu'une législation soit établie. Mercredi, le ministère de l'Intérieur a pris acte de l'avis de la Cnil, concédant que la proposition de loi "Sécurité globale" pouvait être précisée sur certains points, mais appelant à un "équilibre".

Les caméras individuelles, autre motif d'inquiétude

Dans son avis, la Cnil fait également des recommandations pour compléter les dispositions concernant les caméras individuelles portées par les gendarmes et les policiers, et les caméras embarquées dans certains véhicules. Au sujet des caméras individuelles, elle estime notamment qu'il "conviendrait de préciser, au niveau réglementaire, les motifs et circonstances qui justifieront la divulgation au grand public" des images prises par les caméras individuelles. La Commission fait part de ses craintes que les images, sur lesquelles n'importe quel citoyen est susceptible d'être identifié, soient utilisées de façon abusive ou hors contexte.