D'après la cheffe du groupe central des mineurs victimes, ces pédocriminels n'ont qu'un seul point commun : ce sont tous des hommes. (Photo d'illustration) 2:40
  • Copié
Marion Dubreuil, édité par Ugo Pascolo , modifié à
Ils seraient 300 internautes en France à avoir commandé un viol ou des tortures sur un enfant qui vit à l'autre bout du monde. Le viol à distance sur internet est un phénomène encore peu connu, mais qui prend de l'essor. Tandis que les policiers traquent les preuves sur internet, les associations se battent pour que les victimes témoignent en France.
ENQUÊTE

C'est un phénomène méconnu : le viol à distance sur internet. On estime qu'il y a en France 45.000 personnes qui chaque année téléchargent des images des vidéos pédopornographiques. Mais certains vont encore plus loin et commandent eux-mêmes des viols d'enfants à l’autre bout du monde, pour y assister en direct sur internet. Europe 1 a mené l'enquête sur ce phénomène en plein essor.

20 euros pour une heure de viol

Les policiers de l’Office Central de répression des violences aux personnes (OCRVP) estiment qu’il y a 300 commanditaires en France, cela veut dire 300 Français soupçonnés de commander des agressions sexuelles et des viols sur internet. Ils ont été identifiés le plus souvent par le FBI, signalés par Interpol ou bien encore Tracfin qui repère des paiements suspects vers l'Asie du Sud Est. "Ils payent 15-20 euros pour des sessions de 45 minutes à 1 heure de viols et d'actes de tortures et de barbarie sur l'enfant sur internet. Lors des shows, ils donnent des ordres, donc ils sont à l'origine de l'infraction", explique au micro d'Europe 1 la capitaine Véronique Béchu.

La cheffe du groupe central des mineurs victimes traque ces pédocriminels avec une douzaine d'enquêteurs. D'après elle, il n’y a "aucun profil type, cela peut être l’adolescent attardé de 17 ans tout comme l’octogénaire, tout milieu social confondu. Des individus isolés sans interactions sociales, tout comme des pères de famille. Leur seul point commun : ce sont des hommes", explique la policière. Le phénomène concerne principalement les Philippines, mais l'OCRVP a récemment reçu 35 signalements émanant de la Roumanie via la plateforme Empact d’Europol.  

14 enquêtes en cours

Actuellement, il y a 14 enquêtes en cours - dont deux informations judiciaires -, toutes centralisées au parquet des mineurs de Paris. Elles ont été ouvertes pour complicité d’agressions sexuelles et de viols sur mineurs. Des faits passibles de 10 à 20 ans de prison. Il y a 15 jours, un pilote de ligne a été condamné pour complicité d’agressions sexuelles à cinq ans de prison, une première en France. Mais cela ne veut pas dire que tous les dossiers qui vont suivre pourront aboutir : "On aura très peu, si ce n'est jamais, la vidéo elle-même de l'infraction parce que ce n'est pas dans la logique de ce phénomène", explique le substitut du procureur Barthélémy Hennuyer.

"L'idée de cette pratique, c'est d'avoir du live, une prestation 'inédite'. A partir du moment où vous n'avez pas ce contenu, il faut trouver tout autre élément qui gravite autour de cette vidéo qui permette d'établir la preuve ou les charges suffisantes de l'agression sexuelles et du viol", détaille-t-il au micro d'Europe 1. "Parmi ces éléments, il y a les transactions financières, les conversations tenues sur des messageries électroniques... Ce qu'on cherche à obtenir, ce sont les interpellations des personnes qui exploitent les mineurs aux Philippines, et puis les auditions des mineurs qui pourront témoigner sur ce qu'ils ont subi."

Faire venir témoigner les victimes en France

Le mois dernier, le parquet de Paris a reçu une délégation de policiers et magistrats philippins pour faciliter l’entraide pénale entre les deux pays. L'objectif, à terme, c'est de faire venir des victimes aux assises pour qu’elles obtiennent réparation. En attendant, ce sont des associations qui les représentent en audience, comme le réseau ECPAT. "Les victimes sont loin géographiquement parlant, mais pour autant elles ont subi des violences sexuelles graves donc notre rôle, c'est de les remettre au centre de la procédure", explique Ludivine Piron qui suit ces dossiers pour l'ECPAT. 

"On fera tout pour que ces enfants obtiennent réparation comme des victimes françaises", poursuit-il. Mais d'ici-là, pour mieux lutter contre le viol en streaming, un amendement déposé par le député LREM Guillaume Gouffier-Cha va être présenté ce mardi à l'Assemblée nationale, dans le cadre de la proposition de loi de protection des victimes de violences conjugales. Il prévoit que tout internaute qui commande une agression sexuelle sur un mineur peut être condamné à 7 ans de prison et 100.000 euros d’amende, même si cette agression "n’a été ni commise, ni tentée".