Le Sénat vient d'adopter un amendement visant à protéger les mineurs des images pornographiques sur internet. Image d'illustration. 3:02
  • Copié
Matthieu Charrier édité par Guilhem Dedoyard
Le Sénat vient d'adopter un amendement visant à empêcher les mineurs d'avoir accès à des contenus pornographiques sur internet. Les solutions proposées posent des problèmes d'anonymat mais il y a un vrai besoin de protection des plus jeunes, selon Martine Brousse, présidente de la fédération d'associations La Voix de l'enfant. 

Cocher "je certifie avoir dix-huit ans" ne suffira peut-être bientôt plus pour accéder à un site pornographique. Un amendement vient d'être adopté au Sénat pour empêcher l'accès des mineurs à ce genre de contenus. Cet amendement, soutenu par la majorité, et qui doit maintenant être voté à l'Assemblée nationale, obligerait les sites à vérifier l'âge de leurs utilisateurs. S'ils ne le font pas, le CSA aurait la possibilité de saisir la justice qui pourrait empêcher l'accès complet à ces sites depuis la France. 

Un équilibre à trouver entre protection de la vie privée et protection des mineurs

Sur les sites gratuits, il suffit pour l'instant de cocher une case pour accéder à l'ensemble des contenus, c'est facile et cela n'engage à rien. "Il y a des adresses toutes simples et on rentre directement dessus" résume Martine Brousse, présidente de la fédération d'associations La Voix de l'enfant. À l'inverse, sur les sites pornographiques payants, il faut entrer un numéro de carte de crédit. Le filtre est donc automatique puisque seuls les majeurs sont autorisés à en avoir une. C'est l'une des solutions envisagées par l'amendement.

Celui-ci prévoit d'obliger les internautes soit à entrer un numéro de carte de crédit, même sur les sites gratuits, soit à utiliser FranceConnect, une sorte de pièce d'identité numérique certifiée. Mais ces deux solutions posent des problèmes d'anonymat. Pour Martine Brousse, l'équilibre est difficile à trouver entre "respect de la vie privée des adultes" et en même temps réussir à "protéger les mineurs".

"Ça va obliger un certains nombre de professionnels à véritablement apporter des réponses"

Martine Brousse en est certaine, "cette proposition va être adoptée" et "va obliger les politiques mais aussi les associations, les opérateurs, l'ensemble des acteurs du numérique à trouver des solutions, et ça c'est important. Ça va obliger un certain nombre de professionnels à véritablement apporter des réponses et des solutions".

Reste à savoir si cette mesure, une fois adoptée, sera appliquée. Une loi similaire votée au Royaume-Uni en 2017 a été retirée deux ans plus tard, faute de solutions techniques et juridiques respectant suffisamment la vie privée. En novembre dernier, Emmanuel Macron donnait six mois aux opérateurs pour prévoir un contrôle parental par défaut. Pour Martine Brousse, "si nous n'arrivons pas à protéger nos enfants par rapport à tous ces sites, il faudra peut-être aller plus loin, sur les téléphones, c'est-à-dire un blocage systématique".

La Voix de l'Enfant travaille avec le secrétaire d'État Adrien Taquet pour identifier les mécanismes de la violence physique mais aussi sexuelle chez les jeunes. Selon Martine Brousse, ça peut notamment venir du porno, "un univers qui s'ouvre et qui n'est pas maîtrisé parce que l'adulte est absent". Pendant le confinement, "il y a des jeunes qui ont été confrontés à ça et qui sont passés à l'acte", affirme-t-elle. "Face à cette violence de l'image, l'enfant, parfois l'adolescent, n'arrive plus à faire la différence entre la réalité et le virtuel. Cela peut avoir un impact très très négatif. Pour d'autres, du fait d'un jeune âge ou d'une fragilité psychologique, c'est un traumatisme. Ça peut se traduire par des changements de comportement, par de la violence."