Les discriminations raciales au logement sont encore plus prononcées entre particuliers

SOS Racisme publie mardi une enquête sur l'ampleur des discriminations au logement. (Photo d'illustration de Paris)
SOS Racisme publie mardi une enquête sur l'ampleur des discriminations au logement. (Photo d'illustration de Paris) © GÉRARD JULIEN / AFP
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Selon une enquête réalisée par SOS Racisme, les candidats originaires d'Afrique Subsaharienne ont 55% de chance de moins que ceux ayant des "origines françaises anciennes" de trouver un appartement sur Leboncoin ou PAP.

Pendant un an, SOS Racisme a envoyé des milliers de mails à des agences, mais aussi à des particuliers, sous de fausses identités. La méthode est celle du "testing". Elle consiste à présenter simultanément plusieurs candidatures similaires pour une même offre de logement. Mêmes revenus, mêmes garants, même âge. Seule différence : la consonance du nom, qui laisse apparaître des origines "françaises anciennes" ou étrangères, et la formulation du mail, modifiée à chaque fois afin de ne pas attirer l'attention des propriétaires ou des professionnels de l'immobilier. À dossiers comparables, l'impact du seul nom pèse-t-il dans la décision de ces acteurs ? Oui, selon l'association, qui publie ses résultats mardi, dans une enquête intitulée "discriminations raciales au logement, ça suffit", consultée par Europe 1.

Des discriminations quel que soit le prix du loyer

Entre mai 2017 et mai 2018, SOS Racisme a envoyé 4.000 mails en réponse à 775 annonces en Île-de-France, avec des noms évoquant cinq origines différentes : asiatique, française métropolitaine "ancienne", maghrébine, subsaharienne et ultra-marine. Premier constat : les résultats montrent des discriminations qui "se pratiquent dans les mêmes proportions, quel que soit le prix du loyer". Chez les jeunes actifs (voir graphique ci-après), le nom d'origine française "ancienne" reçoit 16% de retours positifs - proposition de visite ou demande de pièces complémentaires pour en prévoir une. Ce taux est de 12,5% pour un nom asiatique (20% de moins), 10% pour un nom maghrébin (37% de moins) et 9,5% pour un nom ultra-marin ou subsaharien (40% de moins).

Les chiffres diffèrent légèrement pour les étudiants. Les noms d'origine française "ancienne" sont toujours les mieux placés, avec 17,5% de réponses positives. La différence avec les noms d'origine asiatique plus faible (16% de retours favorables, soit 10% de moins). Les écarts restent sensibles pour les étudiants aux noms maghrébins (14%, soit 20% de moins) et d'Afrique subsaharienne (11%, 37% de moins).

Des écarts plus importants sur Leboncoin ou PAP

Dans le détail, 1250 des mails de SOS Racisme ont été envoyés en réponse à des annonces de logements mis en location par des propriétaires privés, via Leboncoin ou Particulier à Particulier (PAP). Les écarts sont encore plus importants auprès de ces plateformes, selon l'association. Un profil "français ancien" recueille ainsi 48% de retours positifs, contre 46% pour un nom asiatique (2% de moins) et 31% pour un nom ultra-marin (26% de moins). Seuls 15% des noms d'origine maghrébine et 12% des noms d'origine subsaharienne obtiennent une réponse favorable. Autrement dit, entre particuliers, un candidat dont le nom laisse apparaître des origines africaines a 55% de chances de moins de voir son dossier accepté qu'un Français au nom "ancien".

La situation est-elle moins discriminatoire au sein des agences immobilières ? Pour le savoir, SOS Racisme s'est fait passer pour un propriétaire "dont le nom laisse apparaître des origines françaises 'anciennes'" auprès de 90 agences immobilières. Ce propriétaire fictif souhaitait louer un bien et demandait que seuls les dossiers de candidats européens lui soient présentés, "afin d'éviter les problèmes de voisinage". Résultat : 51% des agences interrogées acceptent de faire le tri elles-mêmes ou de laisser le propriétaire le faire. Dans la moitié des cas seulement, ces comportements s'accompagnent d'un avertissement sur leur caractère illégal...

Comment lutter contre ces pratiques ?

SOS Racisme avance plusieurs pistes dans son rapport, comme la mise en place d'un dossier anonyme obligatoire pour les professionnels de l'immobilier, ou la menace du retrait de la carte professionnelle en cas de comportement discriminatoire. L'association propose aussi le financement d'un baromètre annuel qui permettrait de réaliser des testings réguliers, et un dispositif de signalement sur les plateformes entre particuliers.