Les consommateurs, grands perdants des Etats généraux de l’alimentation ?

© JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
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Les Etats généraux, qui se terminent jeudi, promettaient notamment des mesures pour "répondre aux attentes des consommateurs". Et sur ce point, le concret se fait attendre.

Promis par Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, ils devaient dessiner les méthodes d'alimentation de demain. Les Etats généraux de l’alimentation se clôturent jeudi soir. Plusieurs mesures issues des débats ont déjà été dévoilées par le gouvernement. Parmi elles : la limitation des promotions dans les supermarchés ou de la revente à perte, avec pour objectif d’améliorer le revenu des agriculteurs et de résoudre la crise agricole (plus d’infos ici). Mais qu’en est-il du volet consommateur ?

Les Etats généraux avaient, en effet, pour objectif "de permettre aux agriculteurs de vivre dignement" ou  "d’accompagner la transformation des modèles de production". Mais ils avaient, également, pour ambition de "mieux répondre aux attentes des consommateurs" et de de promouvoir "une alimentation saine, sûre, et équitable". Or, à l’heure de la clôture, le concret se fait toujours attendre en la matière.

Bio, contrôles sanitaires, nutrition… Des promesses mais peu de concret

Ces Etats généraux doivent notamment aboutir à une loi, qui être adoptée au premier trimestre 2018. Et dans les mesures précises déjà actées par le gouvernement, aucune ne concerne directement le consommateur. "Il y a un projet de loi qui a été présenté et qui ne contient comme disposition que des éléments concernant la contractualisation, c'est à dire les négociations commerciales entre les agriculteurs, les éleveurs et puis l'industrie et la grande distribution", déplore sur Europe 1 Olivier Andrault, chargé de l’alimentation à UFC-Que choisir, invité jeudi d’Europe 1.

Entendu sur europe1 :
Sur la qualité sanitaire, la qualité nutritionnelle, la transition écologique, il n'y a rien de concret

Le plan bio promis par l’exécutif ? Si le gouvernement s’est engagé à un minimum de bio dans les cantines, aucun chiffrage n’a été précisé. Le contrôle des produits provenant de l’étranger ? Le gouvernement s’engage simplement à proposer à Bruxelles la création d’un "observatoire des risques sanitaires". Le développement des "circuits de proximité", qui doivent garantir d’avoir accès à davantage de produits locaux ? L’Etat propose "d’inciter" les collectivités locales à élaborer "500 projets alimentaires territoriaux (PAT) d'ici 2020", sans plus de détails.

Nicolas Hulot absent de la soirée de clôture 

"Sur la qualité sanitaire, la qualité nutritionnelle, la transition écologique, il n'y a rien de concret dans ce projet de loi", dénonce Olivier Andrault. Dans les ateliers "consommation" des Etats généraux, plusieurs pistes ont pourtant été évoquées par les associations de consommateurs. Encadrement des opérations marketings à destination des produits alimentaires pour enfants (afin qu’elles ne se basent que sur la qualité nutritionnelle) ; fixation d’objectifs sur la teneur en gras, en sel et en sucre des aliments ; réduction de la viande dans les cantines ; définition des perturbateurs endocriniens… Sur tous ces sujets chers aux associations de consommateurs, aucun engagement n’a été pris. "Il y a pourtant eu des recommandations très positives", regrette l’UFC-Que Choisir.

Entendu sur europe1 :
J'aimerais que l'on m'explique en quoi les agriculteurs vont être les bénéficiaires

Du côté du ministère de l’Agriculture, on promet des "plans" à venir pour traiter chacun de ces sujets. Mais les associations restent sceptiques… tout comme le ministre de l’Environnement ? Alors qu’il avait ouvert les Etats généraux, Nicolas Hulot a décidé de ne pas participer à la cérémonie de clôture. Prétextant une incompatibilité d’agenda, son geste est perçu par certains comme une marque de prudence. "Il attend le discours du Premier ministre (prévu dans la soirée) pour voir les arbitrages finaux", indiquait simplement un de ses proches à l’AFP, en début d'après-midi.

Du mieux pour les agriculteurs… aux dépens des consommateurs ?

Autre sujet de préoccupation des associations de consommateurs : les prix. Pour soutenir les agriculteurs, l’exécutif a notamment décidé de fixer un seuil de revente à perte. En clair, la distribution sera obligée de revendre au minimum tout produit alimentaire au prix qu'elle l'a acheté majoré de 10%. Ce seuil sera accompagné d'un encadrement des promotions commerciales dans les grandes surfaces : elles ne pourront plus être supérieures à 34% du prix normal et à 25% du volume annuel vendu. Saluées par les agriculteurs, qui espèrent qu’elles réduiront la pression que les distributeurs imposent aux producteurs pour qu’ils baissent leurs prix, ces mesures sont vivement décriées par les associations de consommateurs.

"Nous sommes stupéfaits de l'attitude des agriculteurs qui viennent relayer les demandes des grands industriels d'empêcher les distributeurs d'avoir une politique de baisse des prix", dénonce Alain Bazot, président de l’UFC-Que Choisir, également invité d’Europe 1. "J'aimerais que l'on m'explique en quoi les agriculteurs vont être les bénéficiaires de cette mesure […] On ne va pas écluser leurs stocks sans baisser les prix", renchérit-il.

Présentes au même titre que les différents acteurs (agriculteurs, industriels de l’alimentaires, distributeurs, élus, fonctionnaires…) lors de ces Etats généraux, les associations de consommateurs dénoncent le "lobbying" auquel se seraient notamment livrés les industriels après les ateliers. Ils attendent désormais la manière dont les "pistes" sorties des ateliers seront traduites par le gouvernement à la rentrée prochaine.

Les producteurs s’engagent pour une meilleure qualité

Le gouvernement n’est pas le seul à avoir pris des engagements, après ses Etats généraux. Une trentaine d'interprofessions ont en effet déposé des "plans de filière", avec notamment des objectifs visant à améliorer la qualité des produits. Les producteurs de viande bovine prévoient par exemple de parvenir à 40% de viande en label rouge (signe qui atteste d’une qualité supérieure de la viande, en fonction d’un cahier des charges très précis), contre 3% actuellement. La filière s’engage aussi à doubler la production en bio d'ici 5 ans.

Les producteurs laitiers s'engagent aussi à doubler le lait bio, tout comme à réduire de 15% les antibiotiques. La filière céréales veut également doubler les surfaces en bio. Les prix vont-ils augmenter ? Les objectifs seront-ils tenus ? La réponse dépendra de la bonne volonté de chaque producteur, et du soutien que le gouvernement leur accordera dans son futur "plan bio" au contour encore très flou.