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Théo Maneval, édité par Romain David , modifié à
Si le gouvernement a fait savoir que ce projet de mine d'or à ciel ouvert ne collait pas avec ses ambitions écologiques, l'absence d'annulation stricto sensu continue d'opposer les partisans du projet et les défenseurs de l'environnement.
REPORTAGE

Le ministre de la Transition écologique François de Rugy devait se rendre en Guyane jeudi, pour évoquer avec les élus et les populations locales la "Montagne d’Or", un projet controversé de mine à ciel ouvert, mais il a finalement reporté son voyage en raison de l’hommage qui doit être rendu aux sauveteurs morts de la SNSM.

Ce projet de mine géante à ciel ouvert devait être le gisement le plus prolifique de Guyane : 85 tonnes d'or à extraire en pleine forêt. Mais depuis quatre ans, un débat très vif oppose les défenseurs de l'environnement et les partisans du développement économique de cette région d’outre-mer. De son côté, le gouvernement a indiqué fin mai que ce projet n’était pas compatible avec ses ambitions environnementales, sans pour autant confirmer son annulation. Un flou qui, sur place, nourrit de nombreuses crispations.

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Un projet hors-norme aux portes d’un sanctuaire forestier

Deux kilomètres de long, 400 mètres de large, des centaines d'hectares déboisés, l'utilisation de cyanure pour aider à extraire l'or... le tout près d'une réserve naturelle, dans une forêt exceptionnelle. Sur le papier, ce projet de mine d’or a de quoi donner des sueurs froides aux défenseurs de l’environnement. "C'est une forêt primaire très ancienne : plus de 2.000 espèces recensées dans la zone, dont 127 espèces intégralement protégées. En gros, une espèce d'arbre sur trois est spécifique à ce genre d'écosystème", explique à Europe 1 Laurent Kelle, responsable du WWF en Guyane. On y trouve notamment de grands félins comme le jaguar, mais aussi des espèces représentatives de toute la faune de l'Amazonie.

Un levier économique pour une région plombée par le chômage

Le gouvernement semble avoir voulu trancher en faveur de ce sanctuaire. Mais les élus qui défendaient le projet, notamment pour des raisons économiques, ne cachent par leur déception. "Que cela plaise, ou que cela ne plaise pas, il y avait un projet sur près de 700 emplois directs, et 1.400 emplois indirects" dans un secteur où le taux de chômage dépasse les 23%, rappelle Rodolphe Alexandre, le président de la Communauté Territoriale de Guyane. "C'est un besoin essentiel. Ne tuons pas la poule aux œufs d’or ! J'ai défendu la 'Montagne d'Or' comme je pourrais défendre d'autres projets qui vont certainement sortir... Après avoir écouté le ministre (François de Rugy, ndlr), puisque je suis venu à Paris et qu’il nous a reçus pendant plus d'une heure, je pense que le dossier minier n'est pas fermé", veut-il croire.

D’autant que la compagnie minière Montagne d'Or n'a pas l'intention d'abandonner sa concession. Ses dirigeants n'ont pas souhaité nous répondre, mais ils expliquent dans un communiqué "vouloir mener un dialogue constructif en vue de rendre ce projet compatible avec les exigences". Peut-être avec un projet plus petit ? Peut-être sans utiliser de cyanure ? De leur côté, les associations environnementales restent sur le qui-vive.

Les populations locales exigent un droit de veto

"Si la compagnie Montagne d'Or, […]  tente de passer par la fenêtre, eh bien nous l'attendrons derrière la fenêtre", assure Harry Hodebourg, animateur du réseau Némo (non à l'exploitation de la montagne d'or). "Le rejet de ce projet par le gouvernement, ça permet de reposer les guerriers. Il faut que la compagnie Montagne d'Or comprenne qu'on ne va pas se laisser faire ! Et s'il le faut, par l'affrontement physique !", menace-t-il.

La réforme du Code Minier, que François de Rugy promet pour la fin de l'année, doit permettre de calmer définitivement les choses. Les règles actuelles pour accorder des concessions datent du 19ème siècle, et ne sont pas du tout à la page en matière d'environnement. Cette réforme nourrit de fortes attentes chez les populations autochtones amérindiennes, qui vivent dans ces forêts et qui veulent défendre leur habitat. "Notre priorité à nous c'est de préserver l'eau, qui pour nous est la plus grande richesse de la Guyane. Donc interdire totalement le cyanure", explique à Europe 1 Christophe Yanuwana Pierre, porte-parole de l’association Jeunesse autochtone de Guyane. "Notre objectif, c'est que les peuples autochtones aient le pouvoir de veto. C'est-à-dire qu'à partir du moment où le Grand Conseil dirait non à un projet, ce n'est pas discutable. C'est juste fini", ajoute-t-il.

Car au-delà de ce projet "Montagne d’Or" qui a capté toute l'attention, il y a un autre sujet de préoccupation : l’explosion du nombre de permis d'exploration accordés aux compagnies minières, avec 14 nouveaux permis attribués en seulement trois ans.