"Le pape François a été déconcerté par une deuxième vague" de scandales de pédophilie dans l'Eglise

Pour Bernard Lecomte, spécialiste du Vatican, l'Eglise traverse une crise très grave.
Pour Bernard Lecomte, spécialiste du Vatican, l'Eglise traverse une crise très grave. © GREGORIO BORGIA / POOL / AFP
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Clémence Olivier
Bernard Lecomte, spécialiste du Vatican, auteur du livre Le Monde selon Jean-paul II (combats, certitudes, appels, prophéties), invité mercredi au micro de Wendy Bouchard dans le Tour de la question sur Europe 1, revient sur la façon dont les papes successifs, avant François, ont géré les scandales de pédophilie dans l'Eglise. 
INTERVIEW

Depuis le début des années 2000, de nombreux scandales d'abus sexuel dans l'église ont été dévoilés avec fracas. Mi-août, la justice américaine révélait encore que l'église catholique de Pennsylvanie avait couvert des abus sexuels perpétrés par plus de 300 prêtres, dont ont été victimes au moins mille enfants. Le pape François avait dans la foulée fait part de "sa honte et de sa colère" et avait assuré être du côté des victimes. Une réaction jugée insuffisante pour les associations de victimes qui réclament au pape des actes et des réformes.

Le souverain pontife a-t-il commis des erreurs dans la gestion des dossiers ? Comment l'Eglise peut-elle faire face à cette crise ? Alors que sort mercredi un documentaire de Wim Wenders, co-produit par le Vatican sur le pape François, Bernard Lecomte, spécialiste du Vatican, auteur du livre Le Monde selon Jean-paul II (combats, certitudes, appels, prophéties), invité mercredi au micro de Wendy Bouchard dans Le tour de la question sur Europe 1, tente de nous éclairer.

Pourquoi le pape François a-t-il tant de mal à gérer ces affaires d'abus sexuels dans l'Eglise ?
Le pape François a été surpris car il pensait au fond que le sujet des abus sexuels avait été à peu près réglé pas son prédécesseur Benoît XVI. C'est ce dernier, lorsqu'il était encore le cardinal Ratzinger, qui, au début des années 2000, avait mis en garde Jean-Paul II et lui avait proposé de centraliser les dossiers de pédophilie dans l'Église pour pouvoir les traiter.

Une fois nommé pape, Benoît XVI a continué à vouloir mettre de l’ordre dans tout ça. En 2010, il avait condamné les abus et avait voyagé pour rencontrer des victimes. En 2012, il avait convoqué au Vatican un séminaire international avec des psychiatres, des juristes venus de tous les pays pour faire la lumière sur ces sujets. Au fond, il a fait l'essentiel : il a mis le sujet sur la table, il a centralisé, il a nommé une commission.

Mais le pape François a été déconcerté par une deuxième vague. Elle ne porte plus sur les crimes de pédophilie en tant que tels, elle porte sur le fait d'avoir couvert les crimes et sur la négligence d'un certain nombre d'évêques ou de certains responsables de l'Eglise.

 

>> De 9h à 11h, c’est le tour de la question avec Wendy Bouchard. Retrouvez le replay de l’émission ici

En quoi cette crise est-elle lourde de conséquences pour l'Église ?
C'est la plus grave crise qu'a connu l'Eglise depuis des décennies. Face à ces accusations de pédophilie, face aux témoignages insupportables de victimes, prêcher l'amour des autres est très complexe. Aujourd'hui, la suspicion est générale et elle atteint les responsables : les évêques d'abord, les cardinaux mais aussi et, c'est logique, le pape lui-même.

Comment le pape peut-il agir aujourd'hui ?
On ne peut pas régler les problèmes de pédophilie d’un coup de baguette magique. Ce qui est sûr, c'est qu'il n'est plus question une seule seconde de couvrir ou de cacher des abus. Benoit XVI avait déjà affirmé que c'était à l'église elle-même de faire son mea culpa. Il n'est donc plus question de gérer les cas en interne. Il faut que chacun à son niveau de responsabilité soit responsable. Les évêques ont un pouvoir qu'ils n'ont pas tellement utilisé sur ces sujets-là.

Les prêtres eux-mêmes et les fidèles doivent également être conscients et vigilants. Enfin, il faut que le pape gère cette affaire en y mettant le temps, de la bonne volonté et de la sincérité. Le pape est responsable de cette bonne volonté.