Le mystérieux "tireur de Libé" devant les assises

Abdelhakim Dekhar a déjà été condamné en 1998, dans l'affaire l'affaire Florence Rey-Audry Maupin.
Abdelhakim Dekhar a déjà été condamné en 1998, dans l'affaire l'affaire Florence Rey-Audry Maupin. © Capture d'écran
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M.L , modifié à
En novembre 2013, Abdelhakim Dekhar avait semé la terreur à Paris pendant cinq jours, armé d'un fusil à pompe. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité alors que ses motivations restent floues.  

Quelques mois après les tueries de Mohamed Merah et deux ans avant les attentats du 13-Novembre, son périple armé avait instauré un climat d'angoisse dans la capitale. En l'espace de cinq jours de novembre 2013, Abdelhakim Dekhar avait gravement blessé un assistant photographe du journal Libération, mais aussi menacé de s'en prendre à des salariés de BFMTV et du quartier de La Défense. Quatre ans plus tard, presque jour pour jour, et alors que ses motivations restent floues, l'homme comparaît aux assises pour récidives de tentative d'assassinat, enlèvement et séquestration, à partir de vendredi. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Déjà condamné en 1998. Le procès, qui doit durer une semaine, ne sera pas le premier rendez-vous de l'accusé avec la justice. En 1998, il avait été condamné dans un dossier majeur de l'époque, lié aux milieux de l'ultra-gauche : il était soupçonné d'être "le troisième homme" de l'affaire Florence Rey-Audry Maupin, une fusillade au cours de laquelle cinq personnes dont trois policiers et l'un des malfaiteurs avaient été tuées en 1994.

Devant les assises, Abdelhakim Dekhar s'était alors montré énigmatique, se présentant comme un espion en mission de la Sûreté militaire algérienne traquant les islamistes intégristes, rapporte Le Parisien. Il avait été condamné à 4 ans de prison pour association de malfaiteurs et immédiatement libéré, sa peine correspondant à son temps passé en détention provisoire. Puis, Abdelhakim Dekhar n'avait plus fait parler de lui. Jusqu'au 15 novembre 2013, plus de quinze ans plus tard.

Un photographe grièvement blessé. Vers 7 heures du matin ce jour-là, un homme armé d'un fusil à pompe pénètre dans l'accueil de la chaîne BFMTV. Il pointe son arme vers le rédacteur en chef de la chaîne et prononce quelques mots. "La prochaine fois, je ne vous raterai pas", selon un agent de sécurité présent sur les lieux. L'intrus laisse deux cartouches à terre puis prend la fuite. Les témoins transmettent son signalement à la police.

Trois jours plus tard, vers 10 heures du matin, un individu armé du même type de fusil fait irruption dans le hall du journal Libération. Cette fois, il ouvre le feu à deux reprises et blesse grièvement au thorax un assistant photographe, avant de s'échapper à pied. Vers 11h30, trois coups de feu sont ensuite tirés dans le quartier d'affaires de la Défense, devant la Société générale. Deux salariées disent avoir été visées, mais il n'y a pas de blessés. Les cibles décrivent une silhouette similaire à celle de l'homme menaçant de BFMTV.

Une parka kaki et une casquette. Cinq minutes plus tard, le tireur prend brièvement en otage un automobiliste, à qui il ordonne de le conduire sur les Champs Elysées. Les enquêteurs sont désormais sûrs d'avoir affaire à un seul et même individu et lancent un appel à témoin, diffusent des photos du suspect, captées par les caméras de vidéosurveillance. Les images de l'homme, casquette sur la tête, parka kaki ou doudoune sombre tournent en boucle alors que des policiers sont déployés devant les grands médias parisiens.

La traque prend fin le 20 novembre, lorsque Sébastien L., l'homme qui héberge Abdelhakim Dekhar le dénonce et mène les policiers jusqu'à lui. Le suspect tant recherché est allongé dans une voiture garée sur un parking de Bois-Colombes, à demi-conscient après avoir avalé des médicaments. Sébastien L., dont la nature des liens avec le tireur n'a pas été communiquée au cours de l'enquête, est également poursuivi aux assises pour "destruction ou modification des preuves d'un crime ou d'un délit" et "recel de malfaiteurs".

Des motivations floues. Pendant une semaine, la cour devra notamment s'attacher à identifier le mobile du quinquagénaire à la personnalité trouble. Dans une lettre non-datée laissée derrière lui et évoquée en 2013 par le procureur de Paris François Molins, Abdelhakim Dekhar développait la théorie d'un "complot fasciste", s'en prenant au "capitalisme" et aux journalistes "payés pour faire avaler des mensonges". Dans un courrier à des magistrats en Grande-Bretagne, pays où il a longtemps vécu et eu deux enfants, il se faisait aussi le porte-parole des opprimés.

Lors de ses interrogatoires en 2014, l'accusé avait ensuite fait état de motivations "politiques", tout en assurant n'avoir eu "aucune intention d'attenter à la vie des personnes", selon LCI. Ses avocats devraient opter pour cette ligne de défense, face à un banc des parties civiles garni de représentants de tous les lieux visités par le "tireur de Libé".