Le fils d'Anne a été victime de harcèlement scolaire et a tenté de se suicider

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Léa Beaudufe-Hamelin
Victime de harcèlement scolaire à l’école primaire alors qu’il est en situation de handicap, le fils d'Anne a tenté de suicider. Malgré les multiples demandes de changement d’école, rien n’a été fait. Anne se confie sur Europe 1 à Olivier Delacroix sur la douleur éprouvée par son fils meurtri.
TÉMOIGNAGE

L’enseignement primaire des enfants d'Anne a été perturbé par un harcèlement scolaire violent, notamment à l’égard de son fils aîné, en situation de handicap. La violence de ce harcèlement était telle qu’elle a conduit l’enfant à faire une tentative de suicide. Anne se confie à Olivier Delacroix au micro de "La Libre antenne" sur Europe 1 sur ce que son fils a subi, ainsi que sur la façon dont l’école a nié le problème en radiant l’enfant.

"Nous avons trois enfants, dont deux qui présentent une situation de handicap de type autistique et troubles de l’attention. Nous avons fait le choix de les changer d’école en septembre 2018. Arrivés dans cette nouvelle école, ils ont été pris à partie, notamment l’aîné qui est arrivé en CM2 et qui a été victime de moqueries, d’insultes, même de menaces de mort. C’est allé très loin parce qu’il a fait une tentative de suicide en avril 2019.

Entendu sur europe1 :
" Il a été traité de face de rat toute l’année "

Quand il était malade, il revenait le lendemain et on le prenait à partie en lui disant : 'On espérait que tu ne reviendrais pas ! On voulait que tu sois mort ! Va te tuer !'. C’était un tel déferlement. Par chance, il nous en a parlé et nous avons essayé de faire notre possible pour tamiser les choses. Mais cela n’a rien changé et a duré jusqu’à ce qu’on l’enlève de l’école.

Dès septembre 2018, nous avons remarqué un changement de comportement chez nos enfants qui nous a mis la puce à l’oreille. Ils sont devenus agressifs, insultants. C’étaient des cauchemars, des cris. La situation avait changé et n’était pas normale. On a la chance d’avoir des enfants qui parlent très facilement. L’aîné nous racontait ce qui se passait dans les moindres détails. Il revenait de l’école en disant qu’il s’était fait taper et insulter. Il a été traité de 'face de rat' toute l’année. C’était la tête de Turc de la classe.

" Notre enfant a fait une tentative de suicide "

On a d’abord rencontré l’institutrice, puis la directrice. Rien ne changeait, donc on est monté au niveau de la circonscription, donc de l’inspecteur académique, de la maire de notre commune, du rectorat et du service référent harcèlement. Malheureusement, rien n’a bougé. Nous avons demandé un premier changement d’école au mois d’octobre, puis un deuxième en décembre 2018, qui n’ont pas été accordés. En janvier 2019, nous avons refait une demande de changement d’école en tirant la sonnette d’alarme, parce que l’état de santé physique et psychique de l’aîné était très dégradé. Puis en avril 2019, notre enfant a fait une tentative de suicide.

Nous sommes allés porter plainte à la gendarmerie qui nous a dissuadés de le faire, nous disant : "Qu’est-ce que vous voulez que l’on fasse avec des enfants de dix ans ?" Nous avons donc déposé une main courante qui ne va pas servir à grand-chose. En ce qui concerne l’école, une procédure est en cours avec deux avocats, cela va très certainement prendre du temps.  

" Pourquoi attendre une tentative de suicide pour changer d’école un enfant ? "

A la suite de cette tentative de suicide, une rencontre a été organisée à l’école avec la directrice, l’inspecteur de l’Education nationale, l’éducateur, la psychologue, ainsi que les parents de l’enfant à l’origine du harcèlement. Cette réunion a eu lieu une semaine après la tentative de suicide de notre enfant, en sa présence. Il a dû retourner dans cette école, pour faire face à la fille qui était à l’initiative du harcèlement. Lors de cette table ronde, on nous a laissé entendre que c’était à notre fils de changer d’école, alors que cela faisait des mois qu’on le demandait. Pourquoi attendre une tentative de suicide pour changer d’école un enfant ?

Les parents de la petite fille étaient complètement dans la négation. Selon eux, ce n’était pas possible que leur fille ait pu faire ça. Pour nous, ça a été une double claque. Notre enfant pleurait toutes les larmes de son corps. Moi, en tant que maman, j’étais incapable de décrocher un mot, j’étais tellement choquée et outrée par l’attitude des adultes et de cette petite fille qui étaient face à nous et qui avaient un rire narquois.

" C’est à la victime de partir et surtout de se taire "

Du côté de la direction, on ne sentait aucune bienveillance. On agaçait parce qu’on avait voulu soulever des problèmes de harcèlement, harcèlement d’un enfant en situation de handicap qui plus est. C’était à nous de partir parce qu’on les dérangeait. Trois jours après cette réunion, dans le cartable de notre cadet qui était encore scolarisé dans cette école, nous avons reçu les affaires de notre aîné avec un certificat de radiation. Notre enfant a été radié de l’école. Dans la majorité des cas, c’est à la victime de partir et surtout de se taire. On essaye d’évincer les gens qui osent pointer les dysfonctionnements, et il y a effectivement des dysfonctionnements dans l’Education nationale concernant le harcèlement et l’inclusion des enfants différents.

À la veille des vacances scolaires, c’est-à-dire au mois de juillet 2019, nous avons appris que l’inspecteur de l’Education nationale et l’école où le harcèlement s’était produit, avaient transmis une information préoccupante à l’aide sociale à l’enfance. Une assistante sociale a débarqué à cause d’une information abusive, à cause des propos calomnieux de cette école qui voulait à tout prix se couvrir. Dans cette information préoccupante, il était écrit que notre enfant a des problèmes psychologiques et que ce n’était pas la faute de l’école s’il avait été harcelé, mais la faute des parents.

" Notre fils ne serait pas là s’il n’avait pas parlé "

Aujourd’hui, il est dans un collège merveilleux qui est au courant de la situation. Nous avons raconté notre histoire au directeur qui l’a pris sous son aile. Heureusement qu’il existe de bons établissements. Aujourd’hui, il va bien, même très bien. Il est évidemment toujours suivi de près par une psychologue toutes les semaines, ainsi qu’une psychomotricienne. La phase la plus dure est passée, mais ce furent six mois compliqués. Il garde une rancœur et certains flash-back. Dans notre malheur, nous avons eu la chance d’avoir pu être à l’écoute et accompagner notre fils. Notre fils ne serait pas là s’il n’avait pas parlé."