Le divorce sans juge, une "révolution" de la séparation

Le but de cette procédure, désengorger les tribunaux des procédures où les couples sont d'accord
Le but de cette procédure, désengorger les tribunaux des procédures où les couples sont d'accord © AFP
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Théo Maneval avec AFP
Les associations féministes craignent que les droits de la femme ne soient bafoués dans cette nouvelle procédure ou encore que les familles soient déséquilibrées.

À partir du 1er janvier, divorcer par consentement mutuel ne nécessitera plus d'aller au tribunal. Une "révolution" en matière de droit de la famille, qui suscite des inquiétudes concernant la protection des enfants et des époux après la séparation.

Désengorger les tribunaux. Un avocat pour chaque conjoint, une convention discutée entre les deux parties, contresignée par les deux conseils puis enregistrée chez un notaire après un délai de rétractation de 15 jours : le nouveau divorce à l'amiable se passera désormais de la décision d'un juge aux affaires familiales. Emblématique de la loi "Justice du XXIe siècle" adoptée en octobre, cette mesure doit permettre de "déjudiciariser" le divorce, d'en réduire les délais et de désengorger les tribunaux, qui ne garderont que les cas conflictuels.

Des divorces en majorité par consentement mutuel. Selon l'Insee, 123.500 divorces ont été prononcés en 2014 (-1,1% par rapport à 2013), soit 338 par jour. Plus d'un sur deux (54%) était un divorce par consentement mutuel. "Le consentement mutuel, c'est quand on est d'accord sur tout", explique à l'AFP Elodie Mulon, avocate en droit de la famille. Or, "dans ce cas, le juge ne tranchait pas. Il homologuait juste une convention de divorce en s'assurant que les intérêts des enfants et des époux étaient préservés".

Une procédure à 50 euros. La dernière réforme, en 2004, avait déjà simplifié ce divorce en réduisant de deux à une le nombre d'audience au tribunal, mais "là c'est une révolution", estime Me Mulon, "pas tout à fait certaine que le législateur en ait pris la mesure". Désormais considéré comme un contrat, qui devra être enregistré chez un notaire moyennant 50 euros (à la charge des parties), le divorce pourra "faire l'objet d'actions en nullité et être annulé" en justice, insiste-t-elle.

Des magistrats toujours vigilants. Favorable à cette mesure, qui "recentre le juge sur ses missions essentielles", l'Union syndicale des magistrats, majoritaire, appelle toutefois à "être vigilant" quant à "l'intérêt des enfants" et à "l'effet retour". "Si le prononcé du divorce sort du judiciaire, ce n'est pas pour cela qu'on se retrouve saisi quelque temps plus tard pour des contentieux", prévient Pascale Loué-Williaume, trésorière de l'USM.

Les associations craignent des déséquilibres. L'absence de jugement final a immédiatement suscité l'inquiétude d'associations, qui craignent des déséquilibres familiaux. Dans un appel lancé sur internet, une vingtaine d'associations féministes jugent notamment cette réforme "très dangereuse pour les droits des femmes". "Celui qui veut se libérer de l'autre peut être enclin à abandonner plus qu'il ne devrait le faire. Il ferait alors passer tous les desideratas [de son conjoint] pour pouvoir partir plus vite, ou le mari pourrait dire : 'Tu veux refaire ta vie, très bien mais je garde les enfants'", imagine Hélène Poivey-Leclerc, avocate spécialisée en droit de la famille, au micro d'Europe 1.

Les enfants, sujet d'inquiétudes. "Le juge est un garde-fou, un protecteur, et il est indépendant", abonde l'Union nationale des associations familiales. Comme garanties, le législateur donne la possibilité aux enfants mineurs d'être entendus par un juge, impose une période de réflexion de 15 jours et oblige chaque époux à avoir son avocat, quand un seul par couple était jusqu'à présent permis.

Cette réforme "ne va pas au bout de sa logique de pacification des relations", opine de son côté l'association SOS papas, qui rappelle que "la principale cause de conflit, c'est la garde des enfants. Pour alléger le divorce, il faut que la résidence alternée devienne la règle, sauf accord différent des deux parents", plaide auprès de l'AFP son président Jean Latizeau.

Une hausse du coût des divorces ? Les associations s'inquiètent d'ailleurs d'un risque de hausse du coût du divorce. Les conjoints qui se séparent "vivent un drame, ce ne sont pas des vaches à lait", s'exaspère le président de l'association Divorcé(e)s de France, Michel Milan, craignant que les avocats fassent "tourner la machine à honoraires" au moment de négocier la convention.