L'affaire Marcelle Bouvard : meurtre en famille

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Guillaume Perrodeau , modifié à
Chez Christophe Hondelatte, l'avocat Samuel Estève revient sur le meurtre de cette septuagénaire et des histoires familiales qui y sont liées.

Une femme de 79 ans est retrouvée morte le lundi de Pâques, en 2006, dans un petit village de Bourgogne. Derrière la sauvagerie du meurtre (14 coups portés) se cache une affaire de différends familiaux sur fond d'héritage.

 

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Marcelle Bouvard est retrouvée morte le lundi de Pâques 2006, au pied de l'escalier de son garage, dans le village de Ladoix-Serrigny, en Bourgogne. Les gendarmes la découvrent alors qu'ils venaient lui rendre son portefeuille, découvert dans la forêt par un promeneur. Marcelle Bouvard est bien connue dans le village, car elle est la veuve de l'ancien maire, Charles Bouvard. Rapidement, les gendarmes arrivent à la conclusion que cette mort n'a rien d'accidentelle. Marcelle Bouvard, 79 ans, aurait pu faire une chute. Mais on découvre plusieurs entailles à sa tête, des projections de sang sur le mur et des coups lui ont été portés. La vieille femme a été tuée.

Par un voleur ? Rien n'est moins sûr. Les fils du téléphone ont été arrachés, mais il reste énormément d'objets de valeur dans la maison et la porte n'a pas été fracturée. Manque la voiture de Marcelle Bouvard. Elle est retrouvée quelques jours plus tard, entièrement calcinée, dans une forêt à quelques kilomètres de Ladoix-Serrigny.

La piste familiale. L'enquête piétine et c'est finalement un drôle de hasard qui va mettre les policiers sur la bonne piste. Un matin, Fabrice, le compagnon de la petite-fille de Marcelle Bouvard se présente aux gendarmes. Il a reçu un SMS anonyme, qui l'accuse du meurtre. À partir de là, les gendarmes vont s'intéresser de plus près à la famille et notamment aux petits-enfants de Marcelle Bouvard : Marie-Madeleine et Geoffray.

En réalité, Marcelle et Charles Bouvard n'ont jamais eu d'enfants génétiques. Ils ont accueilli un orphelin, qu'ils considéraient comme leur fils, le "petit Marcel", qui s'est marié et a eu deux enfants, Geoffray et Marie-Madeleine. Alcoolique, leur père s'est tué dans un accident de voiture et depuis, on ne peut pas dire que les contacts entre la grand-mère et ses petits-enfants soient très chaleureux. Elle a d'ailleurs déshérité Marie-Madeleine et Geoffray, sans qu'ils le sachent, pour tout donner à ses cousins, du côté de sa famille. Et l'héritage de Marcelle Bouvard est important. On parle de plusieurs maisons, des vignes et d'une jolie somme sur son compte en banque.

Alors les gendarmes creusent cette piste et s'intéressent à Geoffray, passent en revue son alibi. Il était avec sa copine Lucie au moment du meurtre de la septuagénaire. Problème, les autorités découvrent qu'ils mentent. Le portable de Geoffray a d'ailleurs accroché une antenne-relais à Beaune, qui couvre le village de Ladoix-Serrigny, au moment même du crime. Pour les autorités, le mobile de Geoffray est simple : il était sans argent, ne savait pas qu'il était déshérité et pensait obtenir le pactole après le meurtre de sa grand-mère.

"Cette grand-mère avait un caractère spécial, peu aimant". Geoffray, sa copine Lucie et un ami, Johnny, sont arrêtés un mois et demi après le meurtre de Marcelle Bouvard. En garde à vue, c'est Lucie qui craque la première en expliquant que c'est Geoffray qui a fait le coup. Dans la foulée, il avoue. Il explique qu'il n'était pas venue pour la tuer, que tout cela était accidentel. À la psychologue, et à elle seule, le jeune homme dit qu'il tient sa grand-mère pour responsable de l’alcoolisme de son père, et de sa mort également, dans un accident de voiture. Elle qui a laissé partir son père à bord de son véhicule, après un dîner arrosé chez elle, alors qu'il était complètement sou, selon le jeune homme. "La psychologue a su déverrouiller certaines choses chez lui. On ne parle de la même manière à un psy et à un juge d'instruction", explique maître Samuel Estève, l'avocat de Geoffray. Le juge ne croit pas à cette version de l'accident et Geoffray Perrin est renvoyé devant la cour d'assisses pour assassinat.

Lors du procès, sur le banc des parties civiles, il n'y a personne. Vide. "C’est la première fois que je voyais ça", explique Maître Estève. Aucune personne de la famille de Marcelle Bouvard n'est venue, pas même ses cousins. "Cette grand-mère avait un caractère spécial, peu aimant, cela ressortait du dossier, en particulier envers ses petits-enfants d’adoption", ajoute le conseil.

À l'issue du procès, Geoffray Perrin s'en sort "bien" : vingt ans de prison. La cour n'a pas retenu la préméditation et l'assassinat. L'avocat général décide de faire appel. L'accusé s'en sortira moins bien lors du deuxième procès, avec une condamnation à 25 ans de prison et une période de sûreté des deux tiers.