Laëtitia, 21 ans, gravement ébouillantée : "Quand j'y pense, j'ai encore cette sensation qui monte"

casserole gaz cuisine énergie 1280
© BARBARA SAX / AFP
  • Copié
Romain David , modifié à
Brûlée sur 20% de son corps après avoir fait tomber une casserole d'eau, cette étudiante a dû recevoir une greffe de peau. Au micro d'Olivier Delacroix, elle raconte son calvaire et les séquelles physiques et psychologiques laissées par cet accident domestique. 
VOS EXPÉRIENCES DE VIE

Étudiante de 21 ans, Laëtitia habite à Cergy-Pontoise. Le 17 décembre 2017, la jeune fille, qui vit seule, s'ébouillante grièvement avec une casserole d'eau. Après des semaines d'hospitalisation et une greffe de peau, elle conserve toujours de vives séquelles, notamment psychologiques. Au micro d'Olivier Delacroix sur Europe 1, elle raconte comment cet accident domestique a bouleversé son quotidien.

"J'habite dans un appartement pour étudiants. C'était un dimanche soir, je voulais me faire des pâtes. Je me suis baissée pour regarder ce que j'avais dans mon frigo […]. Mes plaques se trouvaient au-dessus. Au moment où je me suis redressée, mon épaule a tapé contre le manche de la casserole et une seconde après, je me suis retrouvée allongée par terre.

[…]

Je ne sais pas combien de temps ça a duré, ni si j'ai tout de suite réagi. J'ai commencé à crier, à avoir peur, et puis à avoir mal. Je ne sais pas si mon corps s'est vraiment mis en veille, parce que je me souviens de la douleur. Parfois, quand j'y pense, j'ai encore cette sensation qui monte. […]  Tout de suite, j'ai voulu réagir. J'étais seule, je ne voulais pas rester dans cette situation. Je voulais que quelqu'un sache dans quel état j'étais. J'ai rampé et récupéré mon téléphone qui se trouvait sur une commode. J'ai d'abord appelé ma mère. C'est un réflexe que j'ai eu, elle est dans mes numéros favoris. Elle m'a dit d'appeler les pompiers, car, malheureusement, elle se trouve à 50 km de chez moi. Dans l'urgence, elle ne pouvait pas être là. Néanmoins, la savoir au courant m'a rassuré.

 

>> De 15h à 16h, partagez vos expériences de vie avec Olivier Delacroix sur Europe 1. Retrouvez le replay de l'émission ici

Une fois le choc passé, Laëtitia prend conscience de l'étendue de ses blessures

J'ai appelé le 112 […]. Ce sont des numéros dont on nous dit depuis le plus jeune âge qu'il faut les connaître. Ça sert, c'est important ! J'ai donné mon nom, mon prénom, mon adresse. On m'a dit de ne pas trop paniquer. Le pompier que j'avais au téléphone a entendu à ma voix que j'avais peur. Il est resté en ligne avec moi. Il savait que j'étais seule et jeune. Il m'a dit d'aller sous la douche, toute habillée, de ne pas chercher à enlever mes vêtements parce que ça pouvait être dangereux. Il m'a dit de déposer mon téléphone et de continuer à lui parler, de rester éveillée […] et sous l'eau froide jusqu'à ce que les pompiers arrivent.

Je ne savais pas où j'étais brûlée. Quand j'ai regardé mon corps, il était simplement rouge au niveau du bras. J'avais l'impression que je venais d'avoir un coup de soleil, mais je ressentais aussi des douleurs au niveau du thorax. Quand les pompiers sont arrivés, et m'ont enlevé mes vêtements, on a vu que ça touchait tout le torse, la poitrine et le bras droit.

Hospitalisation, greffe, rééducation…

Comme les brûlures recouvraient 20% de mon corps, on a considéré qu'une hospitalisation était nécessaire pour avoir un meilleur suivi. Dans les jours qui ont suivi l'accident, ça a continué de brûler. Il fallait voir l'évolution avant de déterminer si j'allais avoir besoin d'une greffe de peau.

J'ai finalement été hospitalisée début janvier pour avoir une greffe de peau sur plusieurs parties de mon corps. Par la suite, une infirmière venait tous les jours, pendant 1h30, pour enlever les pansements, m'aider à prendre ma douche et les refaire. J'ai du arrêter mes études, décaler mon stage de fin d'études. Ensuite, j'ai eu de la rééducation, que j'ai arrêtée début septembre. Je porte encore des vêtements compressifs qui protègent ma peau des agressions extérieures, mais aussi pour qu'il y ait le moins de traces possibles.

Des accidents bêtes, des conséquences dramatiques

Casserole d'eau bouillante avec le manche du mauvais côté, bougie laissée allumée, fil électrique à portée des toutes petites mains... Les exemples sont nombreux et tragiques. Chaque année, les accidents domestiques font 20.000 décès en France, dont 200 enfants de moins de 15 ans, selon les chiffres de la Fédération française des assurances. Chaque jour, 5.000 enfants sont pris en charge aux urgences pour des accidents du quotidien plus ou moins graves, et qui peuvent laisser des séquelles à vie.

"On a conscience que ça peut arriver, mais on n'est jamais dans l'idée de se dire que ça peut arriver à soi", relève sur Europe 1 Muriel Bouin, experte en assurance pour Attitudes prévention. "Dans de nombreux cas, c'est toujours quelque chose d'un peu bête à l'origine de l'accident", pointe-t-elle. Les brûlures représentent quant à elle 11.000 hospitalisations en France par an. "Dans 27% des cas, ça se passe dans la cuisine", souligne encore notre experte. Attitude prévention organise tous les 8 novembre une journée de sensibilisation et de prévention aux risques domestiques.

Presqu'un an après l'accident, la jeune fille peine à accepter son nouveau corps

C'est le plus dur. Ce sont des choses qui me rappellent constamment ce qui s'est passé. J'ai la chance que ça n'ait pas touché ni mon visage ni mes mains. Quand je suis en pull ou en manteau, ça ne se voit pas. En cours, je ne me mets jamais en t-shirt. Le montrer est encore compliqué. Avec ma famille je n'ai pas de mal, ils sont présents depuis le début.

Il suffit d'une seconde d'inattention. […] Là, j'étais fatiguée et stressée par rapport à mes partiels. Ça fait trois ans que je vivais dans cet appartement, ce sont des gestes que je faisais tous les jours. Il faut être constamment vigilant. […] On n'est pas à l'abri d'un accident, parce que ça reste un accident, ce qui a été difficile à accepter. Je me suis sentie coupable. Presqu'un an après, je n'arrive pas à me faire à manger, à me faire cuire quelque chose avec mes plaques. Je ne suis pas encore capable de me faire couler un café. J'ai peur de le renverser."

>> Retrouvez l'intégralité du témoignage de Laëtitia