La vidéo de plus en plus présente dans les affaires de violences policières

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Salomé Legrand, édité par A.H. , modifié à
De plus en plus de plaintes pour violences à l'encontre de policiers sont accompagnées d'une vidéo, ce qui aide la justice à trancher dans ce type de dossiers complexes.
ENQUÊTE EUROPE 1

La vidéo est un enjeu désormais crucial dans les affaires de violences policières. Lundi après-midi, deux décisions sont attendues au tribunal de Bobigny, où des peines allant jusqu'à un an de prison, dont six mois avec sursis, ont été requises. Dans les deux cas, une vidéo a été tournée, en appui de la plainte. Dans l'une des deux affaires, la plainte avait même été classée sans suite, avant que le dossier ne soit rouvert sur la foi d'une séquence filmée. 

Pourquoi cela change tout ? Cette année, en Seine-Saint-Denis par exemple, le nombre de plaintes déposées contre des policiers a augmenté de près d'un tiers. D'après les informations d'Europe 1, 315 dossiers sont déjà arrivés sur le bureau du procureur, contre 241 l'an dernier. En revanche, 60 à 70% de ces plaintes sont classées sans suite, car il est impossible de départager la parole du policier et celle de la victime, de savoir s'il y a eu violences illégitimes ou non, notamment quand il y a des blessures similaires des deux côtés. C'est là que les vidéos peuvent tout changer.

Légales mais si tournées sur la voie publique. "Si vous avez un plaignant qui se trouve au sol, sans comportement agressif vis-à-vis du policier, et que le policier le frappe à coups de pieds, il y a une disproportion totale. On n'est pas dans un cadre de violence légitime", soutient Loïc Pageot, procureur adjoint au tribunal de Bobigny, en charge de ces plaintes contre des policiers, au micro d'Europe 1. "Même si la vidéo est très brève, elle permet de montrer que cet acte en lui-même est totalement illégitime", ajoute-t-il. Le magistrat insiste : si ces vidéos sont tournées sur la voie publique, elles restent parfaitement légales, en dépit de ce que peuvent dire certains policiers, qui protestent ou menacent lorsqu'ils voient un téléphone tourner pendant une intervention ou une interpellation.

Des vidéos à contextualiser. Au fond, ce qui pose problème aux policiers, c'est que l'on peut aisément manipuler ces vidéos. Elles sont souvent très courtes (moins de dix secondes, quatre dans un dossier récent), et sont parfois montées en "morceaux choisis". Me Frédéric Gabet, qui défend de nombreux policiers, conteste la place "disproportionnée" de ces vidéos. "On coupe, on monte des scènes sur quelques secondes, et tout cela est destiné à frapper l'opinion. Notre problème, c'est que nous allons avoir des difficultés à apporter des éléments d'explication sur ce qui a pu se passer avant. Tout le monde sera focalisé sur ces quelques secondes, et on aura du mal à se projeter sur ce qui a pu être le contexte d'un dossier", argumente-t-il au micro d'Europe 1.

L'avocat et le procureur s'entendent sur un point : ils encouragent les policiers à se servir de leurs propres caméras piétons, que le ministère est en train de leur fournir, afin de filmer leurs interventions.