Un Français sur six affirme ne jamais avoir entendu parler de la Shoah 9:00
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Lucie de Perthuis , modifié à
L'auteur Iannis Roder était l'invité du Grand journal du soir mercredi. Son livre "Sortir de l'ère victimaire, pour une nouvelle approche de la Shoah et des crimes de masse", est paru mercredi aux éditions Odile Jacob. Pour ce professeur d'histoire-géographie, il est essentiel de repenser l'enseignement des génocides et des crimes de masse afin de continuer à faire vivre le devoir de mémoire. 
INTERVIEW

Alors qu'Emmanuel Macron est en déplacement en Israël pour le cinquième forum mondial de la Shoah, l'auteur Iannis Roder publie mercredi aux éditions Odile Jacob son ouvrage Sortir de l’ère victimaire, pour une nouvelle approche de la Shoah et des crimes de masse. Il était l'invité de Nathalie Levy dans le Grand journal du soir de mercredi, et en appelle à améliorer la façon dont on apprend aux jeunes à l'école l'histoire des crimes de masse.

Un Français sur six assure ne jamais avoir entendu parler de la Shoah. Derrière ces chiffres terrifiants, se cache un problème d'enseignement, selon Iannis Roder. "Quand on parle de la Shoah, on parle de la souffrance mais pas que. Il faut l'aborder comme une question historique et politique. Notre intérêt, notre volonté, c'est que ça ne se reproduise plus. Donc il faut faire une éducation politique. Comment un tel événement a-t-il été possible?", interroge le professeur d'histoire-géo. 

"Le compte n'y est pas"

Pour Iannis Roder, il est essentiel que les pouvoirs publics prennent conscience du temps nécessaire pour enseigner l'histoire de la Shoah, et plus généralement des génocides, aux jeunes Français. "La parole ne suffit pas", affirme-t-il. "Il serait important que les pouvoirs publics comprennent qu'il faut du temps pour apprendre à ces jeunes élèves l'importance de ces processus politiques. Non seulement sur la Shoah, mais sur les génocides et les crimes de masse en général. Il faut des heures. Aujourd'hui le compte n'y est pas car les programmes relèvent d'un véritable zapping", dénonce le professeur et auteur. 

"Ça fait des années que je répète la même chose. A partir de quand va-t-on comprendre qu'il ne suffit pas de faire des injonctions, de dire qu'on enseigne la Shoah, le nazisme et les processus politiques, pour que ce soit effectif ? Il faut y passer des heures, c'est complexe, difficile", affirme Iannis Roder. 

"Nous devrons toujours vivre avec l'antisémitisme"

Si le professeur en Seine-Saint-Denis admet qu'il faut une réponse politique face à l'antisémitisme de plus en plus présent en France, il reste persuadé que la solution réside dans la transmission de l'histoire. "Une réponse politique ne suffit pas. Il faut revoir la manière d'enseigner l'histoire, il faut repenser cet enseignement", explique-t-il. Lui qui a été confronté à l'antisémitisme de ses élèves, considère que l'histoire de l'antisémitisme n'est pas présente dans les programmes scolaires. "Les élèves qui tiennent des propos, ou qui ont des préjugés antisémites ne savent pas se situer par rapport à cette histoire", déplore l'auteur. "Or l'antisémitisme, c'est une vieille histoire. Ces élèves n'ont rien inventé, ils reprennent inconsciemment de vieux poncifs", poursuit-il. 

Iannis Roder se dit "ni optimiste ni pessimiste en ce qui concerne l'avenir de l'antisémitisme". "On pensait qu'il était mort avec la Shoah, mais on voit bien que la Shoah n'a été qu'un épisode paroxystique de l'antisémitisme. Nous savons désormais que nous devrons toujours vivre avec elle" a-t-il déclaré au micro d'Europe 1. 

"Je crois en la république, en la démocratie, et c'est là-dessus qu'il faut éduquer et édifier nos élèves, quels qu'ils soient, pour leur apprendre l'importance de défendre ce système politique", conclut le professeur. 

 

Iannis Roder a également réagi à l'incident intervenu mercredi entre Emmanuel Macron et des policiers israéliens dans la vieille ville de Jérusalem. Le Président a demandé aux policiers locaux de rester calmes et de respecter les règles, alors qu'il essayait d'entrer dans l'église Sainte-Anne, territoire français de la Vieille ville. Un incident qui rappelle fortement les propos lancés par Jacques Chirac en visite à Jérusalem aux policiers israéliens, vingt ans plus tôt, exactement au même endroit. Pour le professeur d'histoire-géographie, "Il faut comprendre qu'Emmanuel Macron va commémorer l'anniversaire de la découverte du camp d’Auschwitz par les armées soviétiques, et quand il s'adresse comme cela aux policiers, il fait un peu du 'en même temps'. Il renvoie le prisme de l'autre côté, en montrant qu'il peut aussi critiquer, comme l'avait fait Jacques Chirac, les Israéliens, leur politique, leur police. Je crois que c'est simplement un positionnement politique qui tend à équilibrer les choses"