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Catherine Blanc
Solène et son compagnon ont expérimenté et adoré le "slow sex", ou "sexe lent" pendant le confinement. Mais la jeune femme a peur de ne plus avoir de temps pour le pratiquer une fois le déconfinement entamé. La psychanalyste et sexologue Catherine Blanc lui répond jeudi après-midi sur Europe 1.

Ce qui était valable et agréable pendant le confinement est-il à jeter une fois le déconfinement débuté ? C'est l'angoisse de Solène : pendant deux mois, elle et son compagnon ont adoré pratiquer le "slow sex", ou "sexe lent" en français. Mais alors que chacun reprend un semblant de vie normale, en retournant pour certains au travail, la jeune femme craint de ne plus pouvoir s'adonner à cette pratique. Sur Europe 1, la psychanalyste et sexologue Catherine Blanc la rassure, dans l'émission Sans Rendez-vous, jeudi.

La question de Solène

Avec mon copain, nous avons expérimenté durant le confinement le "slow-sex", sexe lent en français. Nous avons adoré mais cela prend tout de même du temps, un temps que nous n'avons plus vraiment depuis le déconfinement. Pensez-vous que cette pratique soit compatible avec ce retour à une vie normale ?

La réponse de Catherine Blanc

Le "slow sex", c'est considérer que la sexualité n'est pas une histoire de pénétration, c'est élaborer toute la relation de caresses, de baisers dans la lenteur, dans la tranquillité, dans l'accueil des émotions qui montent, du désir qui monte, dans les rythmes lents mais même quand c'est rapide, revenir sur la lenteur des choses pour être dans l'ici et maintenant 

C'est prendre conscience dans la conscience de l'acte et non pas dans la recherche de l'aboutissement dans la recherche de performance, dans la recherche de faire vibrer l'autre. C'est être dans son corps et dans les émotions de sa peau, au contact du corps et des émotions de la peau de l'autre. Ça demande un peu de temps.

S'agit-il de remettre la relation, ensemble, au centre ?

Absolument. Viser l'orgasme, c'est comme si on décidait de faire une balade mais au lieu de faire la balade, on avait décidé d'avoir tel point de vue. Tout le chemin est un enfer puisqu'on s'on fout. Le but est de voir le point de vue et une fois qu'on l'a vu, il n'y a plus de chemin à faire en retour.

Or, le sexe c'est se proposer de faire une balade, à deux, dans la direction l'un de l'autre, qui n'a pas d'ailleurs de but à proprement parler, ce peut être l'orgasme. Mais où est-il ? Il n'est pas forcément au lieu de l'éjaculation masculine, il peut être tout au long de cette promenade avec un moment d'émoi important, et puis qui peut s'arrêter, se reprendre, etc. Il y a un côté un peu chat qui s'étire, qui ronronne et qui prend le plaisir de se perdre dans son ronron. Il y a quelque chose d'assez aventureux plutôt que ce sprint vers une ligne d'arrivée.

Comment Solène et son compagnon peuvent-ils faire s'ils n'ont plus le temps ?

Je pense qu'on a toujours le temps. Ce qui est assez étonnant, c'est de voir des gens qui me disent 'je n'aurai absolument pas la place d'avoir un amant ou une maîtresse', mais quand finalement ils cèdent à l'appel des sirènes et se retrouvent à un rendez-vous galant, alors qu'ils ont des vies extrêmement chargées, il y a le temps pour ça.

L'erreur est de penser qu'il faut faire l'amour tous les jours, de façon optimale, et que nous n'avons pas tous les jours le temps pour que ça prenne du temps. Quand on va se coucher, on est pressé de se coucher, on est pressé de s'endormir, parce que demain on travaille, mais simplement prendre le temps de la douceur de la sexualité plutôt que d'être dans un rythme où on a l'impression de faire du rodéo, tout d'un coup ça peut durer un peu plus de temps. Ce n'est pas nécessairement des heures. 

La notion de "slow sex" n'est pas dans le timing, mais dans la prise de conscience de la situation et de la douceur de cette situation. Ça peut ne pas nécessairement très longtemps, tout en étant du "slow sex". C'est une fausse idée que de penser que c'est la vie moderne qui empêche le "slow sex" ; c'est parce que nous passons notre vie à nous fuir, à fuir toute situation de ressenti, d'être dans l'ici et maintenant. On est toujours dans le faire, et on oublie l'être. Le "slow sex" n'est rien d'autre qu'être dans l'être.

Le "slow sex" peut-il être thérapeutique ?

Absolument. Le propre de l'éjaculateur précoce est qu'il part du principe qu'il va éjaculer précocement. Il est tant dans le stress qu'il arrive déjà au point qu'il s'est dicté, c'est-à-dire son échec. Prendre le temps de se caresser, de se pénétrer, de se retirer, puis de se re-pénétrer, puis de se retirer… C'est un des moyens d'apprivoiser la durée de sa pénétration possible.