LA QUESTION SEXO - J'ai rêvé que je faisais mon coming-out à mes parents, dois-je franchir le pas ?

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Catherine Blanc
Coline a rêvé qu'elle faisait son coming-out à ses parents et appréhende, depuis, à l'idée de leur annoncer son homosexualité. La sexologue et psychanalyste Catherine Blanc lui répond sur Europe 1, mardi après-midi.

Coline est anxieuse : elle a rêvé qu'elle faisait son coming-out auprès de ses parents. La jeune femme est depuis partagée entre la volonté de leur annoncer qu'elle est homosexuelle, et l'angoisse de leur confier quelque chose d'aussi important pour elle. Sur Europe 1, la sexologue et psychanalyste à Paris Catherine Blanc lui répond dans l'émission Sans Rendez-vous, mardi, sur l'importance du rêve qu'elle a fait.

La question de Coline, 22 ans

"J'ai rêvé cette nuit que je faisais mon coming-out à mes parents. Cela avait l'air si réel qu'en me réveillant le lendemain, je ne savais pas si c'était un cauchemar ou pas. Pensez-vous que c'est un signe que je dois leur annoncer mon homosexualité ?"

La réponse de Catherine Blanc

"Coline dit qu'elle ne savait pas si c'était un cauchemar ou la réalité, elle n'a pas dit un rêve ou la réalité. De toute façon, il y a une inquiétude réelle quant à évoquer son homosexualité. Évoquer sa sexualité n'est pas chose normale avec nos parents, on ne dit pas 'allez, il faut que je vous raconte ce que je vis, ce que je fais'.

Évidemment, quand on dit 'j'ai un petit ami', c'est une chose, mais si on dit 'j'ai une petite amie', ça donne une connotation de ce qui se joue dans la sexualité. C'est pour ça que c'est dérangeant : cela ne suit pas le chemin parental, puisque c'est un couple hétérosexuel, et ça donne une idée de ce qui s'y passe. Quand c'est un couple hétérosexuel, plus personne ne se pose la question car grosso modo c'est le vécu de chacun, en quelque sorte. 

Il y a vraiment une inquiétude de la part de cette jeune femme de parler de sexualité et de parler d'une sexualité dissonante par rapport à celle de ses parents. Son rêve n'est pas nécessairement le déclic et le déclencheur pour le faire, ni une indication qu'il faille le faire, mais ça la perturbe en tout cas, puisque nuit après nuit, en tout cas cette nuit-là, elle se met à en rêver, donc c'est que ça l'habite beaucoup."

Son cerveau élabore plusieurs stratégies, plusieurs scénarios. Est-ce une manière d'anticiper ?

"Tout à fait. Nos rêves sont là pour essayer d'évaluer les risques, d'une façon générale, pour tout ce que nous faisons. Dès lors que nous rêvons de quelque chose, ça relève évidemment de l'ordre d'une anxiété. Nous cherchons une solution. Il y a des rêves que nous faisons de façon récurrente, c'est-à-dire que nous avons une angoisse fantasmatique ou réelle.

Nous cherchons à trouver la solution la plus stable possible et la moins dangereuse pour nous. Parfois, d'ailleurs, la solution que nous cherchons est dans nos rêves et non posée sur le concret de quelque chose d'assumable facilement. Parfois, ça part dans tous les sens. C'est une façon d'éprouver non pas la réponse de l'autre mais son propre rapport à l'émotion liée à ce sujet, et les solutions que l'on s'invente dans le lien à l'autre."

Certains rêves paraissent plus réels que d'autres… Pourquoi y a-t-il une notion de réalité dans la vie onirique ?

"Il y a des rêves qui sont faits de bric et de broc. Nous prenons des petites touches à droite et à gauche, nous sautons d'une pièce à une autre, d'une temporalité à une autre, d'un décor à un autre. Il y a des rêves qui sont vraiment comme dans le concret d'une histoire très linéaire, avec des émotions vécues fortement. Cela peut vraiment être vécu au plus profond de son être jusque dans son ressenti, jusque d'ailleurs dans un aboutissement corporel."

Est-ce que cette annonce se prépare ? Doit-on élaborer des stratégies ou cela peut-il venir au cours d'un repas, par exemple ?

"Je crois que les trois quarts des gens le préparent énormément mais ce qui se passe dans la réalité se fait plus au détour d'une occasion qui est donnée dans la vie de tous les jours. Un peu comme quand on est enfant et qu'on pose la question 'comment on fait des bébés ?'. C'est en général quand l'autre est le moins disponible pour pouvoir y répondre, ce qui fait que la position de force revient à celui qui pose la question. Ça se passe un petit peu de la même façon [pour parler de son homosexualité], ce n'est pas nécessairement un grand cérémonial.

En général, on a essayé des tas de stratégies et à un moment donné, on se lance. Souvent, on se lance en vrac, parce que quand on a l'idée que de toute façon nos parents ne vont pas accepter et nous juger, en général on se lance mal pour avoir exactement le résultat que l'on attendait, c'est-à-dire négatif.

Soyons vigilants, parce que nous avons toujours tendance à nous flageller, dès lors que nous sommes dans l'infidélité par rapport au fonctionnement familial, dès lors que nous changeons d'axe par rapport à eux, que nous sortons un peu des rails, on a l'idée qu'on va être rejeté. Plus on a l'idée que l'on va être rejeté, plus on se met en situation de l'être, donc soyons vigilants."