«La précarité nous a engloutis petit à petit» : Pierre-Yves et Flavie retracent leur descente aux enfers

  • Copié
Gauthier Delomez , modifié à
PODCAST - Flavie et Pierre-Yves sont un couple d'anciens citadins qui connaissent des années de galères depuis la crise financière de 2008. Ce couple qui vivait confortablement s'est subitement rapproché de la précarité, jusqu'à devoir bénéficier de l'aide des Restos du cœur. Ils racontent leur histoire à Olivier Delacroix.

>> Pour le podcast "Dans les yeux d'Olivier"Olivier Delacroix, également aux commandes de la Libre antenne d'Europe 1, s'entretient avec Pierre-Yves et Flavie, un couple d'anciens citadins diplômés qui se sont retrouvés dans une situation précaire. Ils racontent leurs années de galère et notamment le traumatisme d'avoir dû franchir les portes des Restos du cœur. 

 

La précarité "nous a engloutis petit à petit et elle nous a mangés tout doucement, jusqu'au jour où on a été obligés d'aller demander de l'aide aux Restos du Cœur", retrace Pierre-Yves aux côtés de son épouse Flavie. Le couple se confie à Olivier Delacroix, et partage sa lente descente aux enfers. Les deux anciens citadins diplômés se sont installés en Vendée, à Fontenay-le-Comte en 2008, où ils avaient alors une bonne situation. Pierre-Yves était un soudeur spécialisé, mais la crise financière de cette année-là a fait chuter la demande et lui a fait perdre son travail.

"La honte" de franchir les portes des Restos

Quant à Flavie, titulaire d'un diplôme d'art thérapeute, elle n'a jamais trouvé de poste. Sans revenu, le couple décide d'habiter dans la maison familiale que les parents de Flavie acceptent de leur prêter sans avoir à payer le loyer. Toutefois, cela n'empêche pas Pierre-Yves et Flavie de voir leur situation se dégrader, jusqu'au point de ne plus pouvoir se nourrir correctement ou de chauffer la maison. Ils ont alors été contraints de franchir la porte des Restos. "Il y a toujours une honte", concède Pierre-Yves, qui avait alors 35 ans. "On n'est jamais préparés à se retrouver tellement démunis qu'on ne peut même plus avoir à manger. Ça, je pense que personne n'est prêt."

 

"Surtout que l'on vient d'une famille aisée", enchérit Flavie. "Moi, j'avais encore plus honte de ça. Mes parents ont les moyens, ils m'ont payé mes études, ils ont tout fait pour que j'y arrive, et puis non... À un moment donné, il fallait quand même que j'aille frapper là-bas." Le couple peut compter sur le soutien des parents de Flavie, et du regard bienveillant de la famille.

"Ce qui est dur, c'est de perdre son indépendance financière"

Si Pierre-Yves et Flavie tempèrent leur situation, soulignant qu'ils ne sont pas à la rue et habitent dans une grande maison avec jardin, ils regrettent néanmoins de devoir vivre avec si peu de moyens auprès de leurs jeunes enfants. "C'est dur quand il y a un enfant, je trouve que ça change la donne", admet Flavie. "Quand on a du mal à acheter un paquet de couches... Au bout d'un moment, il y en a marre. Et puis l'hiver arrive, il faut trouver une solution. On ne peut pas rester comme ça."

 

Abonnez-vous au podcast "Dans les Yeux d'Olivier" sur votre plateforme préférée :

- Spotify

- Deezer

- Amazon Music

- ou Podcast Addict

"Ce qui est dur dans l'histoire, c'est de perdre son indépendance financière", ajoute Pierre-Yves, qui gagnait près de 9.000 euros au début de sa carrière professionnelle. À cette époque, il raconte qu'il dépensait de l'argent "sans réfléchir". "Maintenant, je suis beaucoup plus regardant, non pas sur ce que ça coûte, mais sur ce que ça peut m'apporter", explique-t-il. L'ancien soudeur s'est formé à la fabrication du pain, un métier qui l'a toujours attiré, en sachant qu'il ne gagnerait pas autant qu'avant.

Accepter des emplois sans rapport avec ses études

Flavie donne, elle, des cours de peinture à domicile, mais cette activité ne lui rapporte pas grand-chose. Elle a dû accepter les emplois qui se présentaient à elle, sans lien avec ses études, et affronter le regard des autres. "J'ai travaillé dans une usine d'agroalimentaire qui faisait des boudoirs, j'ai travaillé dans une usine pour découper des lardons, j'ai fait des ménages, j'ai servi des repas dans la restauration scolaire, j'ai accompagné deux enfants en tant qu'auxiliaire de vie scolaire, j'ai fait la cueillette des pommes...", énumère-t-elle.

"Ce n'est pas facile, mais il faut le faire", affirme Flavie, demandeuse d'emploi très attachée à la valeur travail. "Il faut travailler, il ne faut pas rester sans rien faire sinon on retombe dans le schéma Restos du cœur. On est dépendants des autres, et puis on ne se sent pas bien. On se rend compte qu'on a beau avoir un diplôme, on ne sait pas tout. On a beaucoup de choses à apprendre des autres", avance-t-elle, remarquant que le couple avait trouvé du soutien auprès des bénévoles de l'antenne locale des Restos.

Une vie autrement

Durant ces années de galères, Pierre-Yves et Flavie ont dû réorganiser leur vie et se débrouiller autrement. "On apprend à faire beaucoup de choses, à faire des yaourts, des glaces, du savon, à cultiver des pommes de terre...", égrène Flavie. "Tout ce qui n'est pas indispensable, on s'en passe, et tout ce qu'on a besoin, on a tendance à vouloir le faire soi-même. C'est indéniable", poursuit Pierre-Yves.

Fort de cette nouvelle vie, le couple estime avoir fait le plus dur dans cette lutte contre la précarité. "Même si ça ne devait pas marcher, dans l'histoire, on n'aura rien perdu, on aura au moins essayé", relativise Pierres-Yves, qui "préfère avoir des remords que des regrets". Cette situation leur a appris "l'humilité" et la "simplicité". "Ce qui est important, c'est ce qu'on a ressenti et je pense qu'il y a des erreurs qu'on a faites et qu'on ne refera plus", conclut Pierre-Yves.