Gynécologie 6:35
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Élise Denjean , modifié à
Le chef du centre endométriose de l'hôpital Tenon, Emile Daraï, est accusé de violences physiques et verbales par plusieurs patientes. Deux d'entre elles témoignent auprès d'Europe 1 de ce qu'elles ont subi, évoquant un traitement brutal et moqueur qui les a déstabilisées. Une enquête a été ouverte.
TÉMOIGNAGE

Alors que les violences obstétricales et gynécologiques sont de plus en plus dénoncées en France, les témoignages affluent sur les réseaux sociaux depuis quelques jours. Ils visent notamment un grand gynécologue parisien, chef du centre endométriose de l'hôpital Tenon, à Paris. Une enquête a été ouverte le 20 septembre par l'AP-HP et la faculté de médecine Sorbonne Université, a révélé franceinfo, jeudi. Le praticien est accusé de violences physiques et verbales par plusieurs femmes. Deux d'entre elles témoignent auprès d'Europe 1.

Atteinte d'endométriose, Lucie, 35 ans, a l'habitude de la douleur et des examens gynécologiques, mais celui pratiqué par le professeur Émile Daraï est gravé dans sa mémoire. "Brutal", dit-elle. Douloureux, sans un mot ni un regard, et devant plusieurs internes de l'hôpital, alors qu'un paravent ne la cachait que partiellement. "J'étais juste un organe génital, je pense, à ce moment-là. Je n'étais pas une personne, j'étais un bout de viande." "Pas bien" en sortant de la consultation, Lucie n'a jamais remis les pieds chez ce praticien. Cette trentenaire a aujourd'hui retrouvé quelqu’un de confiance.

"Il a commencé à rire"

Ce n'est pas le cas de Gaëlle, 33 ans, qui s'est "accrochée" à l'excellente réputation du gynécologue. C'est lui qui l'a opérée. Après des premières consultations qu'elle décrit comme expéditives, le médecin aurait eu un comportement déplacé lors de sa consultation post-opératoire. "Il a commencé à rire en me disant que j'avais pris beaucoup de poids. Il m'a fait un touché rectal en me disant qu'on allait jouer au Juste prix des kilos. 'Combien ? 7 kilos, 8 kilos, 9 kilos ?' Et je lui avais confié que le traitement qu'il m'avait donné diminuait ma libido. Avant de partir, il m'a glissé que le problème n'était peut-être pas ma libido mais plutôt le fait que mon conjoint n'avait plus envie de moi parce que j'avais trop grossi et donc que c'était ma faute."

Gaëlle sort de la consultation en larmes, avec en tête le souvenir d'Emile Daraï lui disant qu'elle était "conne" de ne pas essayer d'avoir un enfant après cette opération et qu'il serait peut-être trop tard après. Depuis cet épisode, la jeune femme n’a jamais voulu reconsulter de spécialiste et n'a jamais plus voulu consulter un homme. Elle a décidé de ne plus se soigner à cause du traumatisme et a des doutes sur ce que le professeur a pu faire pendant qu’elle était sous anesthésie générale.

Le professeur Daraï "conteste les faits"

Ni Gaëlle, ni Lucie n'ont alerté, à l'époque, l'hôpital ou l'Ordre des médecins mais aujourd'hui, la première aimerait se joindre à une plainte collective. Une action va être organisée devant Tenon pour des sanctions, explique Sonia Biche, fondatrice du collectif Stop aux violences obstétricales et gynécologiques. Elle a reçu plusieurs témoignages de victimes, après avoir été alertée par des étudiantes en médecine. Touchés vaginaux sans consentement, violents, douleurs intenses, paroles blessantes et humiliantes, incitation à l'opération... les expériences de plusieurs femmes avec le praticien sont similaires.

De son côté, l’hôpital Tenon, qui "prend ces accusations très au sérieux", indique qu'"à ce jour", il "n’a pas connaissance de plainte déposée". Le professeur Émile Darai "conteste les faits dont on l’accuse et récuse des propos qu’il juge diffamatoires". Par ailleurs, il fait savoir qu’il "s’en remet à l’enquête interne" diligentée par l'AP-HP et la faculté de médecine Sorbonne Université, où exerce le gynécologue.