L'incroyable révélation de Jérôme Cahuzac

Jérôme Cahuzac est jugé pour fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale et fausse déclaration devant la Commission pour la transparence financière de la vie politique.
Jérôme Cahuzac est jugé pour fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale et fausse déclaration devant la Commission pour la transparence financière de la vie politique. © PHILIPPE LOPEZ / AFP
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Caroline Politi , modifié à
Au premier jour de son procès, Jérôme Cahuzac a indiqué avoir ouvert un premier compte en Suisse en 1992 pour financer les activités politiques de Michel Rocard, dont il était un fervent soutien. 

L'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac a déclaré lundi que son premier compte ouvert en Suisse en 1992 était destiné "au financement d'activités politiques" au profit de l'ex-Premier ministre socialiste Michel Rocard. "J'ai demandé à Philippe Péninque d'ouvrir un compte en Suisse en 1992 (...). Ce compte, c'est du financement d'activités politiques pour un homme dont j'espérais qu'il aurait un destin politique national", a révélé le ministre déchu au premier jour de son procès pour fraude fiscale, précisant qu'il s'agissait d'un financement pour Michel Rocard.

Jérôme Cahuzac, l’homme dont le nom est associé au plus gros scandale du quinquennat de François Hollande, est jugé depuis lundi après-midi devant la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale et fausse déclaration à la Commission pour la transparence financière de la vie politique. L’ancien ministre du Budget est soupçonné d’avoir dissimulé 687.000 euros d’avoirs sur des comptes bancaires en Suisse, à Singapour et sur l’île de Man. Son ex-épouse Patricia Ménard est, quant à elle, poursuivie pour 2,5 millions d’euros non déclarés. 

  • L'INFO À RETENIR

Pendant l'audience, Jérôme Cahuzac a révélé lundi que son premier compte ouvert en Suisse en 1992 était destiné "au financement d'activités politiques" au profit de l'ex-premier ministre socialiste Michel Rocard.

  • LES TEMPS FORTS DE L'AUDIENCE :

La spirale du mensonge. "Quand l'article de Mediapart paraît, j'ignore qu'un document sonore existe", explique Jérôme Cahuzac pour justifier ses mensonges. Dès lors, il ne cesse de démentir être titulaire de comptes à l'étranger, aux journalistes d'abord puis devant les députés de l'Assemblée nationale. "En une minute cinq, une minute dix, je ruine dix ans de travail et ma vie car je pense qu'ils n'ont rien". Et de préciser: "Je sais qui si la vérité paraît, je perds tout". Pourquoi n'avoir pas décidé de s'expliquer sur ce compte une fois sa démission donnée, l'interroge le président. "J'ai décidé de ne plus faire de mal, de tout prendre sur moi. Je ne voulais pas faire de mal à Michel Rocard. Eux, ils m'ont fait du mal, mais moi, je ne voulais pas leur en faire". 

"La seule façon d'aider ne pouvait être qu'occulte".  Trois heures après l’ouverture du procès, Jérôme Cahuzac est appelé à la barre. L’ouverture du premier compte en Suisse a lieu en 1992, par l’intermédiaire de Philippe Péninque. Jérôme Cahuzac, fervent soutien de Michel Rocard, est chargé de trouver des fonds pour son mouvement. "Mais à l’époque , les contributions autorisées sont plafonnées", explique-t-il. "La seule façon d’aider ne peut être qu’occulte et parallèle". D’où l’ouverture du compte par Philippe Péninque, "en qui j’avais confiance et qui savait faire". Ce compte, explique-t-il, sert "au financement d'une activité politique à laquelle j'ai accepté de participer par militantisme". Il refuse de donner des noms, malgré l'insistance du président, mais confesse "je savais parfaitement que ce que je m'apprêtais à faire est illégal".

Retour sur l'affaire. Le président reprend tout le déroulé de l'enquête, depuis les premières révélations de Médiapart, le 4 décembre 2012. Il s'arrête longuement sur l'enregistrement laissé par erreur par Jérôme Cahuzac sur le répondeur d'un de ses adversaires politiques d'alors, Michel Gonelle. Il déclarait notamment "C'est extrêmement chiant d'avoir un compte ouvert là-bas... En plus il n'y a rien dessus... Surtout qu'UBS ce n'est pas la plus planquée des banques". Les premiers comptes ont été ouverts dans la banque UBS en 1992 et 1993 (seul ce dernier est au nom de l'ancien homme politique). En 1998, Jérôme Cahuzac, qui utilise le nom de code "Birdie", transfert les avoirs dans la banque Reyl, toujours en Suisse. En 2009, pour plus de discrétion, le compte sera rattaché à une personne morale puis les avoirs transférés à Singapour. Tout au long du résumé de l'affaire, Jérôme Cahuzac, jambes croisées, regard dans le vide, semble absent.

"Instrumentalisation de la procédure pénale". Eliane Houlette, la cheffe du parquet national financier, a vivement dénoncé le nouveau recours déposé par François Reyl et la banque qui porte son nom. "L'imagination sans limite des avocats" transforme la "justice en guérilla", déplore-t-elle. Conséquence: "des délais dont la justice ne peut s’accommoder sous peine de voir les citoyens douter d'elle". Après quelques minutes de suspension, la demande de nullité a été jointe au fond, le procès peut donc se poursuivre.

13h30, ouverture de l'audience. "Nous allons reprendre nos travaux qui avaient été suspendus le 10 février dernier", entame le président. L’ancien ministre du Budget est arrivé 15 minutes avant le début de l’audience, vêtu d’un costume gris anthracite. Son ex-femme, Patricia Ménard en tailleur noir, s’est installée quelques minutes plus tard à deux sièges de lui. Stoïques, ils ont écouté les charges qui pesaient à leur encontre.

  • Retrouvez le live-tweet intégral du premier jour d’audience par notre journaliste Caroline Politi, qui était en direct du tribunal correctionnel de Paris :