Jean Leonetti était dimanche l'invité du journal de 12h30 de Fabienne Le Moal. 8:39
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Margaux Leridon , modifié à
Pour Jean Leonetti, invité d'Europe 1 dimanche, la principale leçon à tirer de l'affaire Vincent Lambert est que chacun doit "penser la mort", désigner une personne de confiance, et rédiger ses directives anticipées.
INTERVIEW

La décision d'arrêter les traitements de Vincent Lambert, confirmée par le Conseil d'État, devrait être exécutée à partir de lundi. Mais ses parents, toujours favorables à la poursuite des soins, en appellent à Emmanuel Macron. "C'est donner au président beaucoup plus de pouvoir qu'il n'a", souligne sur Europe 1 Jean Leonetti, qui avait porté la loi sur la fin de vie de 2005. "Rappelez-vous que Vincent Humbert avait, en son temps, demandé à Jacques Chirac le droit de mourir. Heureusement le président de la République ne peut pas se substituer aux décisions des tribunaux, aux décisions médicales, ou changer la loi", poursuit-il.

Une réflexion au cas par cas

"Le Conseil d'État, à deux reprises, a validé la démarche médicale", rappelle l'homme politique, tout en comprenant que la douleur causée aux parents par cette décision. "Elle l'est d'autant plus qu'elle est tardive. Lorsque vous avez un être cher qui vient d'avoir des lésions cérébrales majeures et irréversibles, aujourd'hui, avec des examens comme les IRM dynamiques, on peut dire : non, l'activité cérébrale ne reprendra jamais", explique-t-il. Et de souligner qu'un tel diagnostic, avec autant de certitude, n'aurait pas été possible il y a dix ans.

Pour Jean Leonetti, cette affaire est un drame. "On nous demande toujours de choisir notre camp. Vous êtes pour la femme ou vous êtes pour la mère ? Vous êtes pour arrêter tous les traitements ou pour les poursuivre à l'infini ? Or la loi dit : essayons de raisonner au cas par cas. Ne nous obstinons pas dans ce qui peut paraître déraisonnable", souligne-t-il.

"Quand le malade est lucide, c'est lui qui dit ce qui est raisonnable et déraisonnable. Mais quand il ne peut plus s'exprimer, s'il n'a pas écrit ses directives anticipées - comme chacun peut le faire -, s'il n'a pas désigné une personne de confiance pour parler à sa place - comme chacun devrait le faire - on se demande ce qu'il aurait voulu. Et il y a un combat juridique dans une famille déchirée, qui malheureusement sera de manière définitive déchirée", déplore-t-il. 

"Il faut appliquer encore mieux la loi"

"Si on doit tirer une leçon du tragique de l'affaire Vincent Lambert, c'est qu'il faut appliquer encore mieux la loi. Que chacun d'entre nous pense la mort, désigne une personne de confiance et rédige ses directives anticipées", conclut-il.

La situation de Vincent Lambert reste toutefois exceptionnelle. "Dans les hôpitaux, 60% des patients meurent après une limitation ou un arrêt des traitements. Ça ne veut pas dire qu'on fait mourir des gens. Simplement, faire une chimiothérapie pour quelqu'un qui a une semaine à vivre, ça n'a pas de sens. La souffrance que ça peut engendrer est supérieure à l'espérance qu'on peut en avoir", explique Jean-Leonetti.

"Si vous avez 88.000 personnes pour qui ses décisions d'arrêt des traitements sont prises sans faire l'objet de polémique, c'est parce qu'elles vont dans le sens d'un dialogue fructueux, dans une situation où on a fait tout ce qui était possible, et où on pense que continuer devient déraisonnable. Si la famille est d'accord avec cette position, les choses se passent de manière sereine et apaisée", précise-t-il. Ce qui n'est pas vraiment le cas dans l'affaire Vincent Lambert.