"J'ai fait dix mètres sur la plage et je suis tombé à genoux" : 75 ans après le débarquement en Provence, un ancien combattant se souvient

  • Copié
Joanna Chabas, édité par Antoine Terrel , modifié à
À 99 ans, Hubert Germain fait partie des quatre Compagnons de la Libération encore en vie. Il en avait 24 le 15 août 1944, lorsqu'il a débarqué sur les plages de Provence pour libérer la France de l'occupation nazie.
TÉMOIGNAGE

Il est l'un des derniers à pouvoir témoigner de l'horreur de la guerre et de la réalité du Débarquement. À 99 ans, Hubert Germain fait partie des quatre Compagnons de la Libération encore en vie. Engagé dans la résistance dès le début de la guerre, il a débarqué sur les plages de Provence à l'âge de 24 ans pour libérer la France de l'occupation nazie en compagnie de 50.000 soldats alliés, le 15 août 1944. Soixante-quinze ans après, il se souvient au micro d'Europe 1 de ce retour sur le sol français, des retrouvailles avec sa famille, mais aussi de sa déception face à la faible mobilisation de la population locale. 

Sa mère ne l'avait pas reconnu à son retour

Le 15 août 1944, il fait encore nuit quand Hubert Germain débarque sur la plage en compagnie de ses hommes de la Légion étrangère, près de Saint-Tropez. "Nous étions tous tendus, parce qu'il fallait débarquer et détruire tout ce qu'il y avait devant nous", se souvient-il, avant de raconter l'émotion l'ayant étreint ce jour-là, alors qu'il retrouvait sa patrie, quatre ans après son départ. "J'ai fait dix mètres sur la plage et je suis tombé à genoux. Et j'ai pleuré, mais pas longtemps, seulement un ou deux sanglots dans la gorge", décrit-il encore. "Tout d'un coup, on s'est dit : 'Ça y est, c'est la France'". 

Quatre longues années d'absence pendant lesquelles il n'a pas revu sa famille. Et lorsqu'il se rend au domicile familial à Grasse, à quelques kilomètres de là, c'est sa mère qui lui ouvre la porte. Mais ils ne se reconnaissent pas. "Ma sœur, elle, m'a reconnu, et elle a dit : 'Maman, tu ne reconnais pas ton fils ?'", se remémore Hubert Germain. "Ma mère était là, comme un arbre de Noël desséché, avant que tout d'un coup la lumière s'allume. C'était merveilleux. Mais quand vous vous trouvez, pendant quelques secondes qui durent une éternité, face à une femme dont vous ne savez pas si vous devez l'appeler 'madame' ou 'mère', c'est atroce". 

Après ces retrouvailles, le soldat ayant déjà combattu en Syrie, en Libye, ou encore en Tunisie et en Italie, espère rencontrer des Français mobilisés pour la victoire. Mais pour le soldat, c'est une désillusion. "Il y avait un café ouvert le long de la route, avec des Français. C'était l'heure du Pastis", se souvient Hubert Germain, à qui cette rencontre laisseun goût amer. "Ils nous disaient bravo, mais ne se levaient même pas de leurs chaises. J'avais honte." Avec ses hommes, il continue alors sa route pour libérer Toulon et remonter jusqu'en Alsace. Soixante-quatorze ans plus tard, le soldat obtiendra la Grand-Croix de la Légion d'honneur, le grade le plus élevé.