La parole des victimes d'inceste s'est libérée au cours des derniers mois. 2:10
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Gwladys Laffitte avec Laetitia Drevet , modifié à
Les signalements de violences sexistes et sexuelles enregistrés sur la plateforme gouvernementale dédiée ont doublé entre janvier et mars, par rapport à la même période l'année dernière. Le nombre de témoignages portant sur des faits d'inceste sont passés de 25 en un trois mois à 169. 

La parole des victimes d'inceste se libère. Le nombre de témoignages a explosé sur la plateforme de signalement des violences sexistes et sexuelles entre janvier et mars, par rapport à la même période l’an dernier. Lancé en novembre 2018, ce portail gouvernemental, arretonslesviolences.gouv.fr, repose sur un système de "chat", par lequel les victimes peuvent s'adresser à des agents de police. Sur 3.500 conversations engagées depuis le début d'année, 850 concernent des faits de viols ou d’agressions sexuelles. La commandante Sandrine Masson, cheffe de la plateforme, y note une augmentation nette des récits d'inceste. 

"L'année dernière, sur la même période, on avait 25 chats qui concernaient des viols et agressions sexuelles incestueux. Cette année, sur la même période, on a 169 faits, à la suite notamment du hashtag MeToo inceste. Les gens avaient véritablement besoin d'en parler, alors qu'ils ne s'en sentaient pas le courage auparavant", explique-t-elle au micro d'Europe 1. 

"Ce qui est nouveau, c'est que la société écoute les victimes"

Ce mot-dièse était apparu sur les réseaux sociaux à la suite de la parution en janvier du livre de Camille Kouchner, La familia grande, où elle relatait l'inceste dont a été victime son frère. "C'est à l'évidence un événement très important. Depuis plusieurs années, des livres, des affaires judiciaires qui ont heurté l'opinion publique ont généré une prise de conscience collective. Les victimes de violences sexuelles parlent, elles l'ont toujours fait. Ce qui est nouveau, c'est que la société les écoute enfin, prend leur parole en considération et se sent responsable de la protection que nous devons garantir à nos enfants", souligne Edouard Durand, co-président de la commission Inceste et violences sexuelles faites aux enfants. 

Cette commission avait été lancée fin janvier par le président de la République. "Le premier objectif explicite qui est fixé à la commission est justement d'organiser le recueil de la parole des victimes. Nous pensons que si des personnes adultes éprouvent le besoin de dire les violences qu'elles ont subies dans leur enfance, c'est aussi pour que les enfants d'aujourd'hui et de demain soient mieux protégés", précise-t-il.

Adoption d'une loi contre les violences sexuelles sur mineurs

La plateforme du gouvernement est un outil clef pour le recueil de cette parole. Son utilisation est favorisée par l’anonymat proposé lors des échanges, choisi dans 69% des cas. A l'issue de la conversation, qui dure 54 minutes en moyenne, les forces de l’ordre proposent leur aide aux victimes, si par exemple elles souhaitent déposer plainte.

En s'appuyant sur leur parole, la commission sera ensuite chargée de proposer des éléments de politique publique pour renforcer la protection des mineurs. En parallèle, le Parlement a adopté jeudi une loi contre les violences sexuelles sur les mineurs, ouvrant une "étape historique" dans ce combat en fixant notamment le seuil de consentement à 15 ans, et 18 ans en cas d'inceste.