Hélène Carrère d’Encausse sur l'écriture inclusive : "Ça complique considérablement la compréhension"

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A.D
L'historienne a expliqué pourquoi, à l'instar des Académiciens, elle était opposée à l'écriture inclusive au micro d'Europe 1 dimanche matin.
INTERVIEW

Alors qu'Emmanuel Macron doit se rendre en Russie en 2018, Hélène Carrère d’Encausse publie chez Fayard l'ouvrage Le Général de Gaulle et la Russie, un livre qui éclaire sur les relations entre la France et la Russie à travers l'Histoire. Invitée dans l'émission C'est arrivé demain, l'historienne et académicienne est également revenue sur la position de l'Académie française concernant l'écriture inclusive. Comme ses confrères, elle y est opposée et s'en explique au micro d'Europe 1.

Pour l'Académie, une "aberration". L'écriture inclusive vise selon ses partisans à plus d'égalité homme-femme et repose, en schématisant, sur trois grands principes : l'emploi de termes universels, l'accord de tout grade, titre, métier en fonction du genre et l'abolition de la règle qui veut que le masculin l'emporte sur le féminin. Elle demande néanmoins l'apprentissage d'une nouvelle forme d'écriture, avec un point milieu, qui crée la polémique (exemple : Auditeur.trice.s). Les académiciens font partie des détracteurs de la mesure et viennent de publier une déclaration très ferme : "Devant cette aberration inclusive, la langue française se trouve en péril mortel."

Manipulation des langues et totalitarisme. Des mots forts que ne renie pas Hélène Carrère d’Encausse. "La manipulation des langues pour des raisons idéologiques est une erreur absolue. Cela a été le fait de régimes totalitaires : le régime soviétique a manipulé la langue, le régime nazi", également, souligne-t-elle. Au-delà de l'exemple de l'Histoire, la secrétaire de l'Académie française avance une raison pratique : "ça rend la lecture impossible, ça n'a pas de sens. La France est un pays où la lecture, la capacité de lire a abandonné les nouvelles générations. Nous avons par toutes les statistiques internationales qu'un enfant sur cinq sort de l'école sans savoir lire et il ne saura jamais lire, il ne comprendra jamais. Résultat : c'est une exclusion totale."

"La langue évolue mais a aussi des constantes". Pourtant, on peut considérer la langue comme une matière vivante, évolutive. "La langue évolue, absolument", acquiesce l'académicienne qui nuance en rappelant qu'une langue "a aussi des constantes. Quand vous lisez un mot, il y a un concept dessous, si vous mettez des variantes à ce mot, ça complique considérablement la compréhension", estime Hélène Carrère d'Encausse qui ajoute un argument contre l'écriture inclusive : "cela exclut les dyslexiques mais aussi les aveugles. L'écriture braille est faite de points." Tout comme l'écriture inclusive, ce qui pourrait à son sens tout complexifier. "On lance en ce moment une grande campagne pour la lecture en France pour essayer de sauver une génération, alors il ne faut pas lui compliquer la vie", conclut-elle.